Rêver est-il un crime ?

Christine Tréguier  • 27 novembre 2008 abonné·es

À la suite des arrestations et inculpations des « neuf de Tarnac », un collectif de soutien s’est formé. Sur ces neuf personnes accusées d’ « association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste » après la destruction de caténaires de la SNCF, cinq à ce jour sont incarcérées, et leurs parents et proches, comme ceux des autres membres de la communauté de Tarnac, ont eu droit à des perquisitions en règle. Sur le site soutien11novembre.org, le collectif dénonce le recours au dispositif antiterroriste. Rappelons que celui-ci a été facilité par une récente circulaire de la garde des Sceaux, prescrivant de déférer automatiquement certains dossiers ayant pour charges des destructions de biens publics ou privés, même minimes (comme les graffitis), devant des juges antiterroristes (voir « Quand vient l’heure de l’hallali »). Le collectif lance également un appel à soutien financier pour la défense des inculpés.

En parallèle, s’est créé un « blog de l’ultra-gauche ». On y trouve une pétition lancée ce dimanche par Éric Hazan, éditeur du livre l’Insurrection à venir (La Fabrique), signé du fameux « Collectif invisible » et trouvé à Tarnac. Pour l’éditeur, « une fois établie l’inconsistance de l’accusation de sabotage […], l’affaire a pris un tour clairement politique » . Dans Libération, le 19 novembre, le philosophe Georgio Agamben revient sur les pseudo-preuves inquiétantes avancées par la ministre de l’Intérieur : « des discours très radicaux », « des liens avec des groupes étrangers » ou la participation des suspects « de façon régulière à des manifestations politiques » comme… « les cortèges contre le fichier Edvige » . Ciel ! Ce serait donc ça, la terrible « mouvance anarcho-autonome », l’ultra-gauche susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’État ? Des militants nourris de lectures subversives et de pamphlets contestataires ? Des désobéissants rétifs à l’ordre qui rêvent d’insurrection ? Des propagateurs de cet esprit de Mai 68 que Nicolas Sarkozy a promis de liquider ?

Mais, au fait, est-ce qu’étudier les insurrections passées, rêver d’un autre monde, c’est passer à l’acte ? Est-on, comme commencent à le dire magistrats et intellectuels, dans le délit d’intention ou dans le délit d’opinion politique ? N’a-t-on plus le droit, comme le suggérait Hakim Bey, de « grimper au mât pour sortir par le trou du toit [^2] » ? Il devient urgent de se poser la question.

[^2]: Dans son essai Temporary Autonomous Zone (éditions de l’Éclat). Cf. .

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