Un conflit aggravé

Denis Sieffert  • 6 novembre 2008 abonné·es

Ce n’est pas une guerre. Le rapport de force est trop déséquilibré pour cela. Et, de surcroît, les États-Unis n’en sont pas directement partie prenante. Mais c’est peu dire que George W. Bush a une lourde responsabilité dans l’aggravation du conflit israélo-palestinien. La pire de ses fautes est sans doute d’avoir amalgamé ce conflit colonial à la « guerre contre le terrorisme ». L’idéologie des néoconservateurs, habilement exploitée par Ariel Sharon, a permis de légitimer une répression accrue (notamment avec l’opération Rempart, du printemps 2002) dans les Territoires palestiniens et de reléguer au second plan la colonisation comme facteur essentiel du conflit. Elle a également couvert l’offensive israélienne contre le Liban (juillet et août 2006), qui a coûté la vie à plus de mille civils et provoqué le déplacement d’un million de Libanais. Un désastre doublé d’un échec militaire pour Israël.

Pour cette région du monde, la moindre imposture n’a pas été la conférence d’Annapolis, convoquée en novembre 2007 par le président américain. George Bush y avait promis une solution au conflit « avant la fin de son mandat » . En vérité, le refus de toute concession du côté de l’allier israélien n’a fait que discréditer un peu plus l’Autorité palestinienne et renforcer le Hamas, maître aujourd’hui de Gaza. Le résultat est que le fait accompli colonial rend de plus en plus difficile toute solution.

Selon un récent rapport de la Banque mondiale, c’est à présent 38 % de la superficie de la Cisjordanie qui sont occupés et utilisés par Israël, soit pour des colonies, soit pour des voies de communication. Au total, ce sont 120 colonies qui couvrent la Cisjordanie. Et, dans un climat d’impunité, les raids de colons contre des paysans palestiniens sont de plus en plus fréquents. Mais c’est évidemment à Gaza que la situation est la plus catastrophique. Le démantèlement des colonies israéliennes, en août 2005, ayant été suivi d’une politique d’asphyxie économique et d’isolement, Gaza est aujourd’hui plongée dans une véritable tragédie humanitaire. C’est aussi le symbole du renforcement du pouvoir du Hamas. La classification de ce mouvement dans la catégorie « terroriste » par les États-Unis et Israël bloquant de surcroît toute avancée diplomatique. Gaza symbolise l’échec de la folle construction idéologique des néoconservateurs américains qui prétendaient imposer « un nouveau Moyen-Orient » par le fer, par le feu et par l’anathème. On peut attendre de Barack Obama qu’il renonce à ce projet déjà mort-né. Quant à savoir s’il irait beaucoup plus loin, rien n’est certain.

En cours de campagne, dénoncé comme un ami des terroristes, accusé d’être « musulman » et de porter comme second prénom « Hussein », Obama a tôt fait de donner des garanties à une partie de l’opinion américaine, notamment à une communauté juive inquiète. Il est allé jusqu’à affirmer que Jérusalem était la capitale éternelle d’Israël. S’il s’en tenait là, l’héritier probable de George Bush serait pire que le légataire. On peut toujours espérer que ce discours était un discours de circonstance… électorale, et qu’une nouvelle diplomatie américaine prendra ce conflit à bras-le-corps, et sans tarder.

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