« Un espace de dialogue sur le sida »

Pour la 20e journée mondiale contre le sida, le 1er décembre, et la 15e Conférence internationale sur cette maladie, du 3 au 7 décembre à Dakar, l’association Pistes relance le portail VIH.org. Didier Jayle* en détaille les objectifs.

Ingrid Merckx  • 27 novembre 2008 abonné·es
« Un espace de dialogue sur le sida »
© * Didier Jayle est directeur de la publication de VIH.org, il est également fondateur du Crips, ancien président de la Mission internationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) et initiateur de deux publications : Transcriptases, revue critique de l’actualité scientifique internationale sur le sida et les hépatites, et Swaps (Santé, réduction des risques et usage de drogues).

Le 3 décembre, l’association Pistes (Promotion de l’information scientifique, thérapeutique, épidémiologique) relance VIH.org, site interassociatif de lutte contre le sida. Pourquoi cette refonte ?

Didier Jayle : VIH.org existe depuis 1996. Jusqu’à présent, c’était un portail passif qui prolongeait sur Internet la vocation des centres régionaux d’information et de prévention du sida (formant un réseau appelé le Crips, NDLR) : regrouper les informations, engager des actions inter­associatives et faire connaître les autres associations. Aujourd’hui, ce site devient un portail actif. On va également l’élargir aux organismes nationaux et internationaux (Agence nationale de recherche sur le sida, Fonds mondial de lutte contre le sida) et aux partenaires : les structures d’État, le ministère des Affaires étrangères et les laboratoires ­(GlaxoSmithKline, Bristol-Myers-Squibb…) soutenant ­Transcriptases, la revue scientifique de référence sur le sida qui sert d’assise au site : sa communauté scientifique et son comité éditorial participeront à VIH.org.

Illustration - « Un espace de dialogue sur le sida »

De plus en plus accessible en Afrique, Internet
permet aux malades de sortir de l’isolement. Sanogo/AFP

VIH.org entend devenir le site de référence en matière d’information sur le sida. Quelle est sa priorité ?

S’adresser en premier lieu aux gens concernés par le virus : personnes vivant avec le VIH, professionnels de santé, associations… Et être interactif : il manquait un espace de dialogue autour du sida sur un site bénéficiant d’une image scientifique. Or, on va retrouver sur VIH.org le caractère scientifique de Transcriptases. Depuis que le VIH s’est banalisé sur le plan médical et est devenu une maladie avec des traitements, la médecine a repris ses droits et le dialogue s’est réduit. Les échanges patients-médecins, très développés au début, sont moins présents. Les consultations se concentrent sur des points médicaux. Mais le besoin de comprendre, de connaître, de se tenir au courant se fait toujours sentir, notamment autour des traitements, de la prévention, des moyens de protection, de la transmission, sans oublier les enjeux éthiques.
Autre dimension importante : VIH.org s’adresse à l’ensemble de la communauté francophone, en France, en Europe, en Amérique, en Afrique…

Comment s’adresser à l’ensemble de la communauté francophone quand le sida touche 150 000 personnes en France et plusieurs millions en Afrique, et soulève des problématiques très différentes sur chaque continent ?

En Afrique, les patients sont souvent très isolés. Le web n’est pas encore tout à fait fonctionnel mais il s’installe à grande vitesse : on trouve des cybercafés un peu partout. L’idée, c’est que les patients puissent discuter à travers VIH.org avec d’autres patients et médecins du Sud mais aussi du Nord. Le fossé se réduit un peu : depuis un an, 2 millions d’infectés sont sous traitement en Afrique, et bientôt 5 millions. VIH.org va offrir un espace de parole, une sorte de place publique où des groupes d’échanges pourront se constituer. L’objectif, pour nous, c’est d’apprendre des personnes vivant avec le VIH en Afrique et d’avoir des correspondants là-bas, dans des associations ou des hôpitaux, qui participent au site. ­Certains sujets, comme les traitements de troisième génération, ne les intéresseront que comme un futur lointain. Mais ce qui importe, c’est que l’information passe aussi en Afrique : le sida s’est mondialisé, l’information aussi. Les messages de prévention ne peuvent être les mêmes sur chaque continent, mais les internautes choisiront.

Comment le portail va-t-il s’organiser ?

Comme un journal, avec un sujet ­d’actualité par semaine ouvrant sur un débat. Les internautes pourront aussi proposer des sujets de débat et lancer des discussions. Il y aura ensuite une partie consacrée à ­l’animation du réseau, pour relayer l’information des autres associations. Le Crips, avec lequel nous sommes en étroite collaboration, nous y aidera, en nous faisant profiter de ses contacts et de son agenda, qu’il va falloir redéployer pour recenser les actions et événements organisés jusqu’en Afrique. Enfin, on pourra trouver toutes les archives de Transcriptases, qui existe depuis dix-sept ans, en accès libre et sans publicité. On ne part pas de rien : nous bénéficions d’un fond, appelé à évoluer, et des expériences de Transcriptases et du Crips, qui fête aussi ses 20 ans.

VIH.org est relancé pour l’ouverture de la 15e Conférence sur le sida et les infections sexuellement transmissibles, qui se tient du 3 au 7 décembre à Dakar. Quel est son enjeu ?

Si 2 millions de personnes sont sous traitement en Afrique, on déplore 2,7 millions de nouvelles contaminations depuis 2007. On ne peut pas continuer comme ça. Il faut bouleverser la prévention, notamment en permettant que des approches origi­nales et communautaires se mettent en place. C’est un vrai pari pour les associations et la médecine sur le continent. Des initiatives variées en direction de la communauté francophone ont déjà été prises : on a connu Transcriptase Sud , dont la diffusion s’est arrêtée, mais qui a été intégrée à Transcriptases … Aides a fait des choses très bien en essayant de mobiliser les homosexuels africains, alors qu’il y a quinze ans, ceux-ci « n’existaient pas ». Beaucoup ont eu des idées, mais jusqu’à présent rien n’a vraiment fonctionné. Il existe au moins une solidarité intellectuelle avec les pays du Sud, il faut aller plus loin. Le tissu associatif doit y aider.

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