Les aventures du Prince Ahmed

Ingrid Merckx  • 24 décembre 2008 abonné·es

Une fois n’est pas coutume, les ombres sont au premier plan, dessinant des silhouettes graciles aux longs doigts, aux chevelures délicates, aux vêtements ciselés, tandis que l’œil, de profil, glisse parfois dans l’orbite, accentuant l’effet fantastique. Derrière, des palais de vizir et des paysages d’Orient, comme crayonnés puis plongés dans des bains de bleu, jaune, vert, rouge… La lumière perce à travers les décors et les ombres en mille endroits, produisant profondeur et perspectives. Premier film d’animation de l’histoire du cinéma, les Aventures du Prince Ahmed est un moment de féerie. Découpée en cinq actes et 300 000 images, à raison de 24 par seconde, empruntant le scénario aux Mille et Une Nuits, le tempo au cinéma muet, la plastique au théâtre d’ombres, l’œuvre réalisée par l’Allemande Lotte Reiniger entre 1923 et 1926, avec des personnages de papier, une plaque de verre et un éclairage, n’a pas pris une ride. Sauf peut-être dans son animation musicale, d’où des expériences comme celle du trio nlf3, qui s’est essayé à composer une partition électronique pour ce film. La version originale continue à être une source d’inspiration pour le cinéma d’animation. Témoin : Michel Ocelot et son Princes et Princesses , dont l’esthétique ne cesse de renvoyer à ce digne aîné. Autre élément piquant : le générique de début est entièrement consacré aux personnages, qui viennent, dans des gestuelles personnelles, se faire reconnaître des spectateurs avant de se mettre en scène. Merveilleuse et dépaysante Commedia dell arte. En bonus dans ce coffret : deux documentaires sur le travail de Lotte Reiniger, versant historico-critique et technique, et cinq courts-métrages de la réalisatrice.

Culture
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