Un peu de SEL sur la plaie sarkozyste

Au Système d’échange local de Paris, on partage biens et services en toute convivialité. Témoignage.

Marie-Édith Alouf  • 24 décembre 2008 abonné·es

Ça m’a pris le soir de l’élection présidentielle. Un besoin de consolation, l’envie de quelque chose qui soit l’inverse exact de ce qui nous attendait. Comme une assurance anti-bling-bling. Un pur moment de gratuité. Un truc vraiment pas ren­table. Anti-spéculatif à donf. Limite subversif. « Je vais m’inscrire à un SEL » , ai-je lancé aux convives qui partageaient ma soirée télé. « Ben oui, un système d’échange local » , ai-je répondu aux sourcils dressés qui se tournaient vers moi.
Dans les jours qui ont suivi, après quelques tapotis sur Internet, j’avais toutes les données en main pour intégrer le SEL de Paris. Et me voici à une réunion d’information dans une chouette salle d’association dotée d’une cafetière électrique et de ­sièges en plastique. Un bénévole explique le principe à la douzaine d’impétrants présents ce matin-là. Dans un SEL, on échange des biens et des services. On met au pot commun ses talents de couturier, son art de la cuisine libanaise ou sa collection de Pif Gadget . Et on pioche une scie sauteuse pour un week-end, un coup de main pour déménager ou un massage des lombaires. Pour ce faire, on a un répertoire des offres et des de­mandes, actualisé tous les mois. C’est d’une lecture fascinante, qui oscille entre poésie surréaliste et catalogue Manufrance. Et ces biens et services, on ne les paye pas : on les piaffe. Le piaf est en effet ­l’unité d’échange du SEL de Paris. En gros, on considère que 60 piafs représentent une heure de boulot. Et là où c’est beau, là où ça nique Nicolas, c’est que toutes les ­heures se valent : repassage ou dépannage informatique, c’est le même taux de volatiles. Et le piaf ne se thésaurise pas. Il va, il vient, et puis c’est tout.

Voilà comment Nadia, enceinte jusqu’aux dents, est venue boire le thé chez moi et en est repartie avec le couffin, les grenouillères et autres adorableries de ma fille, qui n’est plus un bébé. 200 piafs pour moi, et de la place dans mes placards. Voilà comment j’ai aidé Kathleen, anglophone, à rédiger en bon français un compte rendu d’assemblée générale. Et voilà comment Jean-Paul est venu ­désosser mon lampadaire halogène. Bon, il n’a pas réussi à le réparer, mais des pièces l’intéressaient, alors il est reparti avec. Dans les bourses aux échanges, j’ai cédé un pull trop grand, des serviettes à fleurs, des invitations au salon Marjolaine… J’ai embarqué un pantalon à ma taille, des orangettes au chocolat, une souris en peluche…
Je ne suis pas aussi assidue que je le voudrais, mais je m’accroche. Car les SEL ont tout compris. D’ailleurs, pâtissent-ils de la crise ? Non ! Vous voyez bien.

Société
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