Comme des rats

Christine Tréguier  • 15 janvier 2009 abonné·es

L’indignité des prisons françaises est régulièrement pointée du doigt, sans que rien ne change vraiment. Et derrière les murs aveugles de certaines, il y a des êtres humains à qui l’administration pénitentiaire fait subir des traitements particulièrement inhumains. Jadis, on aurait parlé de prisonniers politiques, aujourd’hui on résume en un mot, « terroriste », qui légitime tout. Avec l’aide de ceux du dehors, parfois, leur voix parvient à franchir les enceintes pour dire quelles dégradations et quelles humiliations sont leur lot quotidien. Encore faut-il que leur message soit porté à la connaissance de l’opinion publique.
Début janvier, nous avons reçu le témoignage suivant par courrier. Nous l’avons aussi trouvé sur Internet, noyé dans l’océan de contenus que personne ne lit vraiment. Il émane de Mendizabal Mujika Ekain, membre du Collectif des prisonniers politiques basques de Fresnes, et se passe de tout commentaire, hormis : « Faites-le savoir. »

*« Il paraît que le ministère a débloqué la somme nécessaire pour sécuriser nos fenêtres (de même que pour poser des nouveaux barbelés, et autres mesures qui ne font que nous enfermer encore et encore, comme si Fresnes n’était pas déjà une forteresse) ; par contre il n’y a pas d’argent pour, entre autres, réaménager les parloirs de façon qu’on puisse recevoir nos êtres chers dans des conditions dignes, ou pour qu’on puisse avoir une plaque chauffante, de l’eau chaude en cellule…

Les grilles, ils nous le disent, c’est pour les rats, ou plutôt c’est à cause des rats. C’est parce que les détenus jettent des ordures par les fenêtres, il serait donc impossible de faire partir les rats. C’est vrai, les rats, c’est dégoûtant. Et c’est aussi une bonne excuse. Ailleurs, ce sont les mouettes. Ou les chats !

Peu importe, parce qu’en vérité ce qu’ils font avec ces nouvelles grilles, c’est nous enfermer comme des rats. Ce n’est pas assez, paraît-il, que la porte de notre cellule reste fermée pendant plus de treize heures d’affilée, de 17 heures à 7 heures le lendemain matin. Ce n’est pas assez avec les barreaux […]. Avec les nouvelles grilles, ils enferment aussi notre regard et nos bras. Inutile de regarder en haut, en bas, à droite ou à gauche : la grille est faite de telle manière qu’elle devienne une plaque métallique pour la vue. Impossible de sortir le bras pour… rien ! Avec les grilles, l’autre vie, celle de la convivialité entre voisins, est finie. Nous ne verrons plus notre voisin dans le miroir. Nous parlerons au vent. »
*
La missive s’achève par : « Nous ne sommes pas des animaux ! Non aux grilles ! »

La lettre du Collectif

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