Aux sources du Neil

Troisième extrait des archives de Neil Young : un concert acoustique daté de fin 1968 édité pour la première fois. Historique et passionnant.

Jacques Vincent  • 5 février 2009 abonné·es

Les mois qui viennent devraient voir la parution d’un nouvel album de Neil Young et le fameux coffret d’archives annoncé depuis longtemps. Pour patienter, voici un concert enregistré le 9 novembre 1968 et totalement inédit jusqu’à maintenant.
En cette fin 1968, Neil Young est à un moment charnière dans sa carrière, juste après la dissolution du Buffalo Springfield et à quelques jours de la sortie du premier album publié sous son nom. Seul à la guitare acoustique, il chante quelques-unes des chansons impérissables qui ont fait la gloire du groupe.
Dans cette version minimale, les chansons retrouvent leur état premier, et c’est donc comme un retour aux sources, ce qui est d’autant plus vrai que certaines ont été écrites des années avant même le Buffalo Springfield. Elles gardent en tout cas leur charge émotive, comme le montrent la passion brute de « Mr Soul » ou la magie intacte d’« Expecting to Fly ». S’y ajoutent celles de son album solo, dont un « Last Trip to Tulsa » de huit minutes, ce puzzle de poésie fragmentée faite de visions dont on ne sait si elles sont issues de la drogue, de la transe ou de la fièvre, et qui, avec le recul, font écho à la musique qu’il a composée pour le sublime western psychédélique de Jim Jarmush, Dead Man.

Dans l’esprit des archives précédemment éditées, c’est un document brut qui est présenté. Sans montage ni remix, il reprend l’intégralité du concert, de l’entrée en scène aux derniers applaudissements. Ce déroulé, qui respecte la temporalité du concert, nous vaut aussi les nombreux monologues d’un Neil Young très en verve, et souvent d’une humeur étonnamment badine, en tout cas pour lui.
Ces monologues qui accompagnent les moments parfois très longs pendant lesquels il accorde sa guitare entre deux morceaux ajoutent une saveur particulière à l’ensemble et donnent à l’auditeur l’impression enthousiasmante de vivre le concert.
Neil Young parle de tout et de rien, de lui, de la Bentley 1939 qu’il s’est offerte ou du temps qu’il a mis pour écrire telle ou telle chanson ( « cinq minutes pour “Mr Soul”, alors qu’en général il me faut bien une heure ou deux » , plaisante-t-il…). Le passage le plus ironique est sans conteste celui où il évoque son ancien groupe. « À la fin, nous jouions avec ces amplis énormes devant des milliers d’adolescentes. Il y avait deux solistes dans le groupe, Steve [Stills] et moi. En général, Steve était accordé d’une manière et moi d’une autre. Les spectateurs qui étaient de son côté n’entendaient que lui et pareil pour moi. Ceux qui étaient au milieu entendaient surtout la section rythmique. C’était un peu comme si tout le monde écoutait en permanence deux chansons différentes en même temps. »

Effectivement, avec ce concert, on est à l’opposé de cette description, mais on remarquera que, dès lors, cette alternance entre fracas électrique collectif et recueillement acoustique solitaire sera la règle et l’image même du parcours de Neil Young, qui, quarante ans après, continue vaillamment.

Neil Young, Warner.

Culture
Temps de lecture : 3 minutes