Imposer des limites au marché

Robert Castel  • 12 février 2009 abonné·es

La crise financière a été pour beaucoup l’occasion de prendre conscience que le capitalisme ne s’autorégule pas. Cette crise rend manifeste que l’hégémonie du marché n’est pas autorégulatrice mais autodestructrice. Cela veut dire que le marché autorégulé ne fonctionne pas dans l’intérêt même du capitalisme, comme l’a dit Karl Polanyi. Lorsque la loi du profit et la concurrence exacerbée sont laissées à elles-mêmes, elles créent non seulement des injustices et des inégalités, mais aussi des catastrophes.

Ce que préconise Nicolas Sarkozy n’est pas à la mesure de ce constat, parce qu’il ne s’agit pas seulement de répartition ou de partage des profits dans l’entreprise. C’est un aspect important, mais le problème fondamental est celui de la régulation. Parler de refondation du capitalisme est une belle formule, mais il ne s’agit pas que de moraliser le capitalisme. Que des patrons et des traders fassent des bénéfices exorbitants est certes immoral et scandaleux, mais c’est un effet de l’absence de régulation.
Il faut imposer des limites au marché, des contraintes qui empêchent de faire n’importe quoi. Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy puisse le dire ou même le penser.

Quelles sont les possibilités de régulation du marché ? Elles existent, notamment à travers une négociation conflictuelle entre partenaires sociaux qui représentent ou sont censés représenter les intérêts du travail. Il faut aussi prendre conscience que, pour rééquilibrer le marché, il faut des régulations du travail.

Or, ce à quoi l’on assiste depuis au moins une trentaine d’années, c’est à une déstabilisation du statut de l’emploi et au développement de la précarité. Les réformes de l’actuel gouvernement, d’inspiration libérale, vont dans le sens de la dérégulation, c’est-à-dire dans le sens contraire du renforcement du droit du travail. Elles conduisent par exemple à la résurgence du travailleur pauvre, ce qui est très grave. Ainsi, une part croissante de travailleurs ne parvient pas à assurer ces conditions d’indépendances économiques minimales données par le statut de l’emploi.

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