Le NPA en a déjà ras le front de gauche

Le Nouveau parti anticapitaliste a officiellement vu le jour le week-end dernier à la Plaine-Saint-Denis après quatre jours de congrès. Son premier débat a porté sur la question des alliances.

Jean-Baptiste Quiot  • 12 février 2009 abonné·es

*Lire aussi, en accès libre : **Un objecteur de croissance tête de liste

Les 650 délégués du congrès de fondation du NPA représentant quelque 9 100 militants ont tranché. L’appellation « Nouveau Parti anticapitaliste » (NPA) l’a finalement emporté au détriment de « Parti anticapitaliste et révolutionnaire », avec 219 voix contre 213. Le mot « nouveau » a posé problème. Mais, comme l’ont suggéré certains, personne ne s’étonne que « pont Neuf » désigne le plus vieux pont de Paris.

Les délégués ont également choisi leurs statuts, leurs orientations et leurs modes de fonctionnement. C’est pourtant la question de la stratégie aux élections européennes de juin qui a été le véritable fil conducteur politique de ces quatre jours. Depuis quelques semaines, en effet, le Parti communiste et le Parti de gauche exhortent le NPA à rejoindre leur « front de gauche pour changer l’Europe » . Il s’agit de rejouer le rassemblement qui avait prévalu lors de la bataille pour le « non » au traité constitutionnel européen de 2005. Et c’est bien sur cette question des alliances que le vote des délégués du NPA était attendu puisqu’elle engage l’avenir de la gauche de gauche. Ce premier acte politique du NPA s’est déroulé en trois temps.

Premier acte jeudi, lors du XVIIIe et dernier congrès de la LCR. Cent cinquante délégués enterrent leur parti. Mais la Ligue bouge encore. Tout au long de la matinée, les représentants de la plateforme A, majoritaire à la direction nationale de la Ligue, et ceux de « la B », du courant minoritaire Unir, qui milite en faveur du front de gauche, échangent arguments et contre-arguments sur ce sujet. Tous appellent à « dépasser la LCR » . Mais pour la plateforme B, « le NPA ne peut se satisfaire d’être adossé au seul courant politique national qu’a représenté la LCR » . Il n’est plus temps de discuter des conditions de dissolution de la Ligue, c’est donc sur la stratégie qu’elle impulse au NPA que porte l’affrontement.

Illustration - Le NPA en a déjà ras le front de gauche


De gauche à droite : Myriam Duboz, Pierre Baton, Myriam Martin et Olivier Besancenot lors de la conférence de presse finale. / Michel Soudais

Les deux camps divergent même sur « l’ambiance » de cette dissolution. De la tribune, Christian Picquet, le porte-parole d’Unir, la juge « morose » . Il dénonce « un débat à la sauvette » , « une logique de repli » et « des calculs boutiquiers qui ne veulent pas s’avouer comme tels » . La charge est virulente et les réactions pas moins. « Nous devrions tous nous réjouir , estime Sandra Demarck. On garde le meilleur de la LCR, et je ne suis pas sûre que ce soit le courant Unir. » Figure montante de la LCR, ces dernières années, Pierre-François Grond considère désuète la tactique d’un cartel des gauches et force le trait : « Il existe aujourd’hui dans la société des pôles de radicalité qui font que les méthodes d’avant ne sont plus valides. Et je me demande, Christian, comment nous pouvons encore discuter ensemble si tu dis que le NPA est une secte révolutionnaire. »

Le deuxième acte, à peine moins rude, s’est joué samedi matin. Vendredi, à l’ouverture du congrès de fondation du NPA, l’ambiance était plus légère. La brève séance plénière du matin a tout juste permis à Olivier Besancenot de prendre la parole, seul. Sans contradicteur. Dans un discours qui tenait plus de la harangue de meeting que du propos de congrès, l’initiateur du NPA livre sa pensée sur la question : il n’est « pas d’accord » pour « un bon coup électoral » aux européennes et défend « un front durable » , clairement indépendant du PS.

La commission spécialement consacrée à cette question stratégique, samedi matin, enregistre une belle affluence. Deux textes contradictoires sont en débat. Avant même que la discussion ne commence, un délégué suggère qu’ « il faudrait des camions du Samu à la sortie de la salle de débat parce que ça va chauffer » . « Il ne faut pas qu’on s’écharpe » , s’inquiète un autre. À tort. Car les soixante délégués qui prennent la parole n’élèvent pas la voix. Mais les argumentations sont féroces.
Samuel Joshua défend le texte proposé par la direction provisoire du NPA, en plein accord avec celle de feu la LCR : « Oui à l’unité, mais à l’unité dans les luttes. Une alliance électorale, c’est des compromis. Mais c’est toujours à nous qu’on demande de les faire. Quels sont les compromis du PC et de Mélenchon ? » Lui et les partisans de la ligne « identitaire » ne refusent pas l’unité, à condition qu’elle se fasse « dans la clarté » , et la conditionnent à leurs exigences. La principale d’entre elles soumet tout accord électoral à l’engagement au sein d’ « un front durable » , c’est-à-dire valable aussi pour les élections régionales, où le PC s’allie traditionnellement avec le PS. « On connaît le coup. Les années paires, ils veulent s’allier avec le NPA. Et les années impaires, ils s’allient avec le PS. Nous en avons soupé de ça » , s’exaspère Joshua. Non sans charger la barque de nouveaux clivages : « Interdire les licenciements ou s’y opposer, ce n’est pas la même chose, assène-t-il. De même pour la sortie du nucléaire : le PC est contre. Nous pour. » Autant de divergences vite perçues par des délégués comme insurmontables. Venue de Cherbourg, Régine, l’une d’entre eux, enfonce le clou : « Comment faire une alliance avec des traîtres à la classe ouvrière ? »

Même à vingt, les partisans du texte en faveur de l’unité n’ont pas la partie facile pour tenter de convaincre en douceur les nouveaux militants, dont beaucoup ne viennent pas de la LCR. « Tout le monde nous regarde , insiste Catherine Jouanneau. De ce congrès doit sortir un appel clair au PC et au PG afin que le NPA gagne encore en pouvoir d’attraction. Faire un accord durable, cela suppose de commencer un jour. Ne subordonnons pas les alliances aux européennes à des accords aux autres élections. »

Le troisième acte s’est joué dimanche en assemblée plénière. Avant de passer au vote, trois intervenants de chaque camp essaient de convaincre les derniers indécis. Sur la ligne Besancenot, Raoul Marc Jennar s’exclame : « Personne n’a le monopole de l’aspiration à l’unité. Oui à l’unité mais sans ambiguïté ni aléatoire. » Quelques jours auparavant, dans un mail interne, le même mettait en garde ses camarades contre le « danger des pressions unitaires » et les invitait à ne pas « sacrifier le projet de société [du NPA] au nom d’un unitarisme qui privilégie de manière quasi exclusive ce champ électoral qui est le terrain classique du conservatisme » . La majeure partie des délégués n’ont jamais eu connaissance de cet avertissement.

Le texte qu’ils adoptent à 76 % se prononce pour un « accord durable » non limité aux européennes ; il ne ferme pas la porte à des alliances électorales mais les assortit de conditions telles que le « front de gauche » a peu de chance de voir le jour. Le texte qui appelait le NPA à y participer n’obtient que 16 % des voix. Ceux qui défendaient cette option sont écartés. Ils n’obtiennent que 13 représentants au sein du conseil politique national (CPN) de 191 membres, dont 45 % d’anciens de la LCR, élu ensuite. Catherine Jouanneau et les trois animateurs d’Unir, Christian Piquet, Francis Sitel et Alain Faradji, n’y siégeront pas. Ces derniers dénoncent le refus du « droit pour la sensibilité européenne d’être représentée à la proportionnelle » et accusent « une procédure expéditive, évoquant les pires pratiques ayant longtemps eu cours au sein d’une partie de la gauche » . Des mots qui sonnent comme une rupture.

Politique
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