La chasse aux voix est ouverte

À quelques semaines des européennes, les partis politiques courtisent les associations
de chasseurs, toujours très influentes.

Claude-Marie Vadrot  • 19 mars 2009 abonné·es

À l’approche des européennes, les responsables politiques de gauche et de droite commencent, comme l’explique ironiquement Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « à roucouler sous le balcon des chasseurs et de leurs associations » . Le premier coup est parti fin 2008 par le vote de la loi « pour la simplification et l’amélioration du droit de chasse », soutenu par le sénateur Axel Poniatowski. Il s’agissait d’un texte qui accroît les pouvoirs des fédérations de chasse départementales sur le milieu naturel et crée un délit « d’entrave à l’action de chasse » . Lequel permet de traduire devant un tribunal l’automobiliste qui, scandalisé par une battue ou une chasse à courre, aura klaxonné pour effrayer le gibier. L’adoption de ce texte de loi n’est pas étonnante dans une Assemblée nationale où le « groupe parlementaire » chasse est le plus important de tous avec 323 membres, gauche et droite confondues.

Illustration - La chasse aux voix est ouverte

Le nombre de chasseurs diminue, mais pas leur pouvoir de nuisance. Charlet/AFP

Le deuxième coup a été tiré par le ministère de l’Écologie, qui a autorisé la chasse au « gibier d’eau et aux oiseaux de passage » au mois de février, en infraction une fois de plus avec la Directive oiseaux du 2 avril 1979. Comme le fusil pro-chasse du gouvernement est à répétition, le troisième tir a été le reclassement dans la catégorie des nuisibles de la martre et de la belette, à la demande des chasseurs, sans la moindre justification scientifique. On y ajoutera la tolérance accordée aux délits de braconnage commis depuis le début de l’année. Allain Bougrain-Dubourg, qui en a fait personnellement le reproche à Jean-Louis Borloo il y a quelques jours, n’a pas réussi à se faire communiquer ne serait-ce que la copie des 40 procès-verbaux dressés en février dans les Landes. Comme si les délits de chasse étaient désormais classés « confidentiel-défense » ; ce qui permet de retarder l’intervention de la justice et d’empêcher les associations de protection de se porter partie civile, comme la loi les y autorise.

La LPO n’a pas été la seule à protester contre le retour du pouvoir de nuisance des chasseurs, l’Association pour la sauvegarde et la protection des animaux sauvages (Aspas) ayant fait de même aux côtés de soixante-huit autres associations. Cette chasse aux électeurs, dirigée depuis l’entourage du président de la République, a été en partie déléguée à Philippe de Villiers, qui vient d’annoncer que, pour les européennes, il s’acoquinait avec Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT). Mouvement qui a d’ailleurs passé un accord de « non-agression » avec le député communiste de la Somme, Maxime Gremetz.

Dernière œillade en direction des chasseurs, la présentation lundi dernier au ministère de l’Écologie d’un Guide interprétatif pour une chasse durable, prétendument accepté par les représentants des chasseurs et des associations de protection de la nature, alors qu’il dresse la liste des dérogations possibles. Les associations qui ont donné leur accord sont en fait rarissimes, et Allain Bougrain-Dubourg explique : *« Comme beaucoup d’autres dirigeants, je refuse formellement la notion de “chasse durable”, et je ne pourrais accepter, éventuellement, que l’expression “chasse responsable” ; le droit européen ne se négocie pas. »
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Les chasseurs et leurs associations refusent obstinément de revenir sur leurs acquis. Ils le montrent depuis le mois d’avril 2008 dans les travaux d’une table ronde sur la chasse : après une dizaine de réunions, elle est en voie d’implosion tant leurs exigences sont exorbitantes. Ce qui n’empêche pas (problème de subvention à la clé ?) France nature environnement de rechercher un accord à tout prix, expliquent les autres associations, même au détriment de la faune.
La radicalisation des chasseurs s’explique tout simplement par la diminution régulière de leur nombre (en dessous de 1,2 million) et par les violentes polémiques qui règnent entre les différents types de chasse. Se verraient-ils comme une espèce en voie de disparition ?

Écologie
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