Le PS au bord de la crise de nerfs

Le choix des candidats pour le scrutin du 7 juin sème la zizanie dans les rangs socialistes. Y compris dans ses courants. Et révèle un fonctionnement clanique.

Michel Soudais  • 12 mars 2009 abonné·es

L’Europe ne porte pas bonheur au PS. Malgré l’adoption à la quasi-unanimité du conseil national, le 28 février, d’un texte présenté comme « le socle de départ » de son programme aux européennes, les socialistes se déchirent. Les courants éclatent. Les grands barons tonnent. Il s’en trouve même pour pétitionner contre la direction de leur parti. La raison de ce psychodrame, moins de quatre mois après Reims ? La composition des listes aux européennes, que les militants doivent ratifier ce jeudi 12 mars.
Sitôt approuvées par une écrasante majorité du conseil national, ces listes étaient déjà contestées. Furieux du parachutage de Vincent Peillon à la tête de la liste Sud-Est (Rhône-Alpes, Paca et Corse), le maire de Lyon et ancien président du conseil national du PS, Gérard Collomb, fustigeait une « parodie de démocratie » équivalente, selon lui, à celle qui avait cours au « comité central du PS d’URSS » . Sur le moment, l’excès des propos de l’ancien président du conseil national a fait sourire.

Illustration - Le PS au bord de la crise de nerfs

« L’unité » des socialistes s’est fracassée à l’occasion de la constitution des listes pour les européennes. Andrieu/AFP

Un peu moins quand trois candidats sur la liste de cette région, l’eurodéputé sortant isérois Bernard ­Soulage (PS), Thierry Philip, le maire du IIIe arrondissement de Lyon, soutenu comme tête de liste par la majorité des premiers secrétaires fédéraux de la zone, et la conseillère régionale Éliane Giraud, pressentie pour une suppléance, ont claqué la porte de leur liste. Beaucoup moins lorsque deux candidats bourguignons se sont retirés à leur tour. Plus du tout quand la contestation a gagné d’autres régions, le Sud-Ouest, l’Ouest ou le Centre.
Certes, l’exercice était difficile. Il consistait, pour la direction de Martine Aubry, à choisir 144 candidats, dont 20 à 25 éligibles, parmi plus de 500 prétendants. Il fallait aussi tenir compte des 25 sortants (sur 31) qui souhaitaient se représenter, renouveler les listes, respecter la diversité, éviter le cumul des mandats et prendre en compte les situations régionales. Forcément, ça ne pouvait que coincer.

En 2004, le PS avait déjà connu des grognes individuelles. Mais cette fois cela n’a rien à voir. Les mécontents ne se contentent plus de protester en interne. Ils prennent les médias à témoin et dégomment allègrement ceux qui ont été gratifiés de ce qu’ils estiment être leur place. Ainsi, l’économiste Liêm Hoang-Ngoc, second sur la liste de l’Est, est-il dénoncé comme « un illustre inconnu travaillant sur Paris » par le célèbre (forcément) Pierre Pribetich, eurodéputé sortant relégué à la 6e place ; Sofia Otokoré, vice-présidente PS de la région Bourgogne et 9e de liste, accuse Arnaud Montebourg d’avoir « instrumentalisé la diversité » pour imposer en 4e place « un militant qui habite en suisse, Mustapha Sadni ».

Plus inquiétant, la fédération départementale de Gironde refuse d’organiser le vote des militants en l’absence sur la liste Sud-Ouest de son eurodéputé sortant, Gilles Savary. Le cas est extrême mais, en Bretagne, en Franche-Comté ou dans le Limousin, des responsables socialistes prophétisent aussi des « risques de blocage » . À chaque fois, le mécanisme est le même : de grands élus critiquent le parachutage de la tête de liste ou l’absence de figure locale sur la liste.
Les tensions n’opposent pas seulement les barons de province à la direction parisienne du PS, elles traversent aussi les courants, ces derniers ayant dû arbitrer entre plusieurs candidats. Les royalistes se divisent entre pro et anti-Peillon ; François Hollande et Pierre Moscovici lâchent Bertrand Delanoë, à qui ils reprochent d’avoir trusté les investitures au profit de ses proches ; Benoît Hamon est accusé d’avoir favorisé les anciens du NPS contre Marie-Noëlle Lienemann et tous les courants de gauche du PS qui l’avaient ralliée…

« Le PS est devenu la proie d’une bande d’apparatchiks et de coalitions mouvantes » , s’alarme Gilles Savary. En off, nombreux sont les socialistes à déplorer que le « féodalisme » et les « luttes de clans » mus par des intérêts personnels et particuliers aient remplacé les affrontements politiques.

Que l’homme qui a pris la tête de la fronde soit lui-même un cumulard est symptomatique de la dégénérescence du PS. Gérard Collomb a lancé sur son blog une pétition qui revendique des centaines de signataires : des députés et sénateurs, le président de la délégation des socialistes français au Parlement européen, Bernard Poignant, et quatre présidents de région, François Patriat, Jean-Jack Queyranne, Jean-Yves Le Drian et Jean-Paul Denanot. Leur texte qui « dénonce » la « méthode » employée par « quelques camarades de la direction, souvent juge et partie » , pointe plusieurs désaccords majeurs, parmi lesquels « une absence de concertation réelle avec les territoires » et « une composition des listes basées sur l’unique appréciation des dirigeants nationaux des courants ». Refusant ce qu’ils considèrent comme une « parodie de démocratie » , ils appellent les militants « à rejeter » ces listes, « que ce rejet se manifeste par un vote contre ou le refus de participer ».
Que cet appel soit suivi ou non, il laissera des traces dans la campagne européenne.

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