Vous avez dit prévention ?

Christine Tréguier  • 26 mars 2009 abonné·es

Il fut un temps où l’irruption d’un képi à l’école était une incongruité. Lutte contre l’insécurité oblige, la police semble beaucoup s’intéresser aux établissements scolaires. Avec pour credo pédagogique la bonne vieille peur du gendarme. Plusieurs opérations pudiquement présentées comme de la « prévention antidrogue » ont défrayé la chronique ces derniers mois. En novembre 2008, ce sont seize gendarmes et deux maîtres-chiens qui ont débarqué sans crier gare à l’École des métiers d’Auch-Pavie. Fouilles, intimidation, le maître-chien donne le ton : « Si vous bougez, il vous bouffe une artère et vous vous retrouvez à l’hosto. » Deux jours plus tard, rebelote dans une classe de troisième du collège de Marciac. Les gendarmes déboulent et annoncent : « Nous allons faire entrer un chien ! Mettez vos mains sur les tables, restez droits, ne le regardez pas ! Quand il mord, ça pique ! » Simple opération de sensibilisation, explique la gendarmerie.

Sensibilisation à la peur du contrôle musclé sans doute. Certains élèves ont été fouillés de près : cartables, poches, chaussures et chaussettes, et inspection du soutien-gorge et de la culotte, sous l’œil indiscret des gendarmes, comme l’a raconté une des collégiennes. Les protestations des parents, indignés par la méthode, n’ont visiblement fait ni chaud ni froid à la procureure de la République du Gers. Coutumière de ces opérations (25 en un an), elle a déclaré : « Les élèves ont peur de ces contrôles ; ça crée de la bonne insécurité, satisfaisante en termes de prévention. » En février, au collège d’Arthez-de-Béarn, la maréchaussée a testé une autre stratégie. Les gendarmes ont cueilli les élèves à leur descente de car et les ont alignés contre le mur avant de lâcher les chiens.

La police a parfois d’autres motifs que la drogue pour vouloir se mêler de l’éducation des jeunes. En janvier, deux agents de la Sous-Direction de l’information générale (Sdig, ex-RG) se sont présentés au lycée Paul-Doumer du Perreux-sur-Marne pour s’informer sur deux dangereux « agitateurs ». En guise de forfait, les deux lycéens visés avaient mis en ligne un blog – le CIL (Comité indépendant lycéen) 94170 – informant sur les réformes Darcos et les manifestations lycéennes. Dans le Pas-de-Calais, Simon Pourdoux, actif président d’un syndicat lycéen, a lui aussi eu droit à une convocation du Sdig. Son interlocuteur lui a conseillé « de faire attention parce que le fait d’aller trop loin dans le syndicalisme pourrait [lui] fermer des portes pour les concours de la Fonction publique ».

Dernier épisode en date, début février, des gendarmes sont allés interroger une directrice d’école sur le comportement, l’assiduité et la tenue vestimentaire d’une de ses élèves. L’élève en question a… 3 ans. Dans une lettre à l’inspection académique, cette directrice s’interroge : « Ces dernières semaines, dans des écoles voisines, des directeurs ont été interrogés sur leur participation et celle de leurs collègues aux mouvements de grève… Que se passe-t-il ? Pourquoi et à la demande de qui les gendarmes investissent-ils les écoles ? » Sans doute aspirent-ils à une éducation plus surveillée.

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