De quels droits ?/Base élèves : la résistance continue

Christine Tréguier  • 9 avril 2009 abonné·es

Le fichier Base élèves de l’enseignement primaire continue à se heurter à de multiples résistances. En premier lieu, celle des directeurs d’élèves qui ne désarment pas. En novembre 2008, ils étaient quelques-uns à avoir lancé un appel à l’arrêt de Base élèves et à la destruction de toutes les données collectées. « Nous refusons, disait cet appel, d’utiliser un fichier national centralisé et partageable dont nous ne pouvons prévoir l’évolution future… Nous refusons de participer à l’établissement d’un répertoire national d’immatriculation des élèves permettant de conserver des données pendant trente-cinq ans. » Ils sont aujourd’hui 180 à avoir signé l’appel. Le fichage des mineurs n’est, à leurs yeux, pas une simple formalité administrative et ils n’ont aucune garantie que les données supprimées hier ne soient pas réintroduites demain [^2]. Récemment, une directrice d’école maternelle en Haute-Garonne, Anne-Marie Pons, a écrit à son inspecteur d’académie pour signifier son refus de renseigner ce fichier. Convoquée par l’inspection, elle s’est vue donner un délai de quinze jours pour obtempérer, faute de quoi elle pourrait se voir infliger un retrait de salaire. Dans l’Isère, un autre directeur, Jean-Yves Le Gall, est menacé de perdre son poste à la rentrée.

Les parents d’élèves mobilisés dans les collectifs locaux contre Base élèves ont, eux aussi, décidé de passer à l’action. Conseillés et soutenus par les avocats du Syndicat des avocats de France, ils ont répertorié différentes atteintes aux lois et conventions relatives à la protection de la vie privée, aux droits de l’homme et de l’enfant. Parmi celles-ci, le fait que ce fichier ne respecte pas l’autorité parentale, qu’il soit mis en place sans concertation publique ni débat politique et qu’il contrevienne à certains textes supranationaux dont la France est signataire. C’est le cas de la Convention des droits de l’enfant, et la France est d’ailleurs sommée de s’expliquer devant le Comité de l’ONU chargé de son suivi. Les parents ont commencé à faire circuler un modèle de plainte. Deux cent quarante-quatre plaintes contre X ont déjà été déposées à Millau, onze à Grenoble. D’autres sont en cours dans les Bouches-du-Rhône.

Autre motif d’inquiétude, le fait que ce fichier soit utilisé pour la recherche d’enfants. De telles recherches transitent de plus en plus par les inspections d’académie, qui peuvent, grâce à Base élèves, savoir si un enfant est bien scolarisé et dans quel établissement. Mais, explique le Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE), si l’enfant est celui de parents étrangers frappés d’une obligation de quitter le territoire ou d’une mesure de reconduite à la frontière, en interrogeant l’inspection académique, le préfet pourra se faire communiquer l’adresse de la famille et n’aura plus qu’à la faire expulser. La Ligue des droits de l’homme, le FSU, la FCPE, l’Unsa-SE, le Sgen/CFDT et la Ligue de l’enseignement ont donc demandé à rencontrer le ministre de l’Éducation nationale pour faire le point sur l’ensemble des interrogations que pose ce fichage. Ils préconisent la mise en place d’une instance ad hoc pouvant assurer le suivi de ces questions et veiller à toute mise en cause des droits des élèves et de leurs parents, et toute atteinte aux libertés publiques.

[^2]: Face à la contestation, Xavier Darcos avait décidé de supprimer les données concernant la nationalité, le foyer, les besoins éducatifs spécifiques, etc. L’arrêté a été publié en octobre.

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