De quels droits ? / Quand la prison condamne à mort

Christine Tréguier  • 30 avril 2009 abonné·es

L’Intersyndicale CGT/FO/Ufap des personnels pénitentiaires a lancé un appel unitaire à l’action pour les 4, 5, 6 et 7 mai. Parmi les revendications, la lutte contre la surpopulation carcérale – qui dégrade les conditions de travail –, le recrutement de personnels supplémentaires, mais aussi *« l’ouverture d’un débat sérieux sur la prévention des suicides et la sécurité dans les prisons ».
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La question des suicides en milieu carcéral est récurrente,
et syndicats et associations tirent la sonnette d’alarme depuis le début de l’année. Les chiffres, qui avaient légèrement baissé en 2006 (95 décès) et en 2007 (97), sont remontés à 118 en 2008. En janvier, l’Observatoire international des prisons (OIP) dénombrait pas moins de treize suicides en quinze jours. Un chiffre alarmant – on en comptait 6 en 2008 pour la même période – qui fait de la France le pays d’Europe où le taux de suicide en détention est le plus élevé. La direction de l’Administration pénitentiaire elle-même avait dû admettre dans un communiqué une situation « préoccupante ».

Les choses ne se sont pas améliorées depuis. L’Observatoire des suicides et des morts suspectes, créé en 2002 par l’association
Ban public, dénombre déjà 52 décès pour la période de janvier à avril 2009. Soit en quatre mois près de la moitié des 118 suicides enregistrés sur l’année 2008. Pour l’association, la politique pénitentiaire engendre « un suicide ou une mort suspecte tous les trois jours, soit sept fois plus qu’en milieu libre ».

Plus de 20 % de ces suicides se produisent lors des placements en quartier disciplinaire. Des lieux réputés pour leur inhumanité et qui aggravent le désespoir des détenus déjà psychiquement fragiles. Dans son rapport de 2003 sur la prévention du suicide des personnes détenues, le professeur Terra avait considéré que « les détenus dont la crise suicidaire prend le masque de l’agressivité ne peuvent pas être mis au quartier disciplinaire sans risquer d’accélérer la progression de leur détresse » . Mais cette recommandation n’est bien souvent pas prise en compte par les chefs d’établissement, comme en atteste un cas récent : un détenu de Roanne a écopé de treize jours de mitard, alors que son état psychologique était connu et qu’il avait avalé quelques jours
plus tôt une lame de rasoir. L’intervention de l’OIP a permis de le sortir
de là après quatre jours d’isolement. Vivant !

Pour les associations, l’explosion des suicides est très directement
liée à la surpopulation carcérale. La France est, là encore, un des mauvais élèves européens avec 63 619 détenus pour 50 963 places. C’est également la conviction du docteur Louis Albrand, sollicité par Rachida Dati pour présider la commission chargée d’un nouveau rapport sur le suicide en détention. Mais cette hypothèse a disparu du rapport final, remplacée par une autre pénitentiairement plus correcte.
Les suicides en prison, c’est la faute aux médias, trop anxiogènes.
Ce qui a conduit Louis Albrand à boycotter la remise de son rapport,
et l’OIP à demander la constitution d’une commission d’enquête indépendante placée sous l’égide du Contrôleur général des lieux
de privation de liberté.

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