Déshabiller Pierre pour habiller Paul

Les nouvelles règles d’indemnisation sont plus favorables aux jeunes et aux nouveaux entrants,
mais les demandeurs d’emploi de longue durée seront plus vite précarisés.

Pauline Graulle  • 9 avril 2009 abonné·es
Déshabiller Pierre pour habiller Paul

Fin du suspense. Après des mois de négociations et d’atermoiements, la nouvelle convention d’assurance-­chômage, bien que signée par un seul syndicat sur cinq (la CFDT), a été agréée la semaine dernière par le gouvernement. Instaurant la mise en place d’une filière unique (contre quatre auparavant) pour tous les demandeurs d’emploi, elle propose une architecture du traitement du chômage simplifiée et plus lisible, fondée sur ce principe : un jour travaillé égale un jour indemnisé. Pourtant, derrière les avancées apparentes, les syndicats redoutent des reculs importants pour l’indemnisation des chômeurs.

Depuis le 1er avril, l’ouverture des droits est réalisée au bout de quatre mois travaillés (contre six auparavant) sur une période de référence allongée à vingt-huit mois. « Grâce à ces nouvelles règles, on favorise les plus précaires : les jeunes, les intérimaires, les CDD courte durée… Bref, tous ceux qui n’arrivaient pas à entrer dans le dispositif d’indemnisation à cause de périodes de travail trop courtes. C’est une avancée car l’Assurance-chômage s’adapte à la précarisation de l’emploi » , souligne Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC. Mais si l’entrée dans le dispositif est facilitée par ce système de proportionnalité, la sortie est également beaucoup plus rapide. « C’est le principe de cette redistribution à enveloppe constante : on déshabille Pierre pour habiller Paul » , constate Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de Force ouvrière. D’autant que le renflouement des caisses de l’Unedic n’est pas à l’ordre du jour, le Medef ayant obtenu la baisse automatique des cotisations si l’Unedic est en excédent de 500 millions d’euros.

Selon une étude réalisée par l’Unedic à la demande de la CGT (prenant en compte les chiffres du chômage de 2007), ces nouvelles règles permettraient donc à 70 000 « nouveaux entrants » d’être indemnisés. En revanche, 168 000 chômeurs pourraient dans le même temps voir leur indemnisation écourtée. Notamment les personnes en CDD longs et les seniors – les anciennes filières 3 et 4, qui constituent la majorité des chômeurs. Certains pourraient ainsi perdre jusqu’à neuf mois d’indemnisation par rapport au système antérieur.

C’est là que le bât blesse. Car, alors que les licenciements économiques massifs se succèdent, il est à craindre un développement du chômage de longue durée. « Cette nouvelle convention est inadaptée à la situation économique et sociale car, vu l’état du marché du travail, les personnes qui vont être licenciées en 2009 ne vont pas retrouver du boulot de sitôt » , explique Stéphane Lardy. Fin 2010, au moment où échoira la période plafond de vingt-quatre mois d’indemnisation, les chômeurs venus pointer à Pôle emploi en 2009 arriveront en fin de droits. À la massification du chômage pourrait succéder le basculement en masse d’allocataires dans les minima sociaux. « L’effet négatif ne va pas se faire sentir tout de suite car, pour l’instant, on va juste pouvoir constater que de nouveaux entrants peuvent toucher des droits » , estime Marie Löhrer, d’Agir contre le chômage (AC !) L’explosion de la précarisation pourrait alors survenir à retardement.

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