Impôt de chagrin

Annoncée par Nicolas Sarkozy, une quasi-suppression de l’impôt sur la fortune est en gestation.

Thierry Brun  • 16 avril 2009 abonné·es

Christine Lagarde, ministre de l’Économie, était aux anges. En déplacement avec elle dans les Bouches-du-Rhône, le Président l’a apostrophée à propos de son projet de quasi-suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). « Fais-le, tu auras mon soutien le plus total » , a lancé Nicolas Sarkozy lors d’une table ronde sur la recherche. Et la ministre a approuvé, ainsi que le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, et le ministre du Budget, Éric Woerth. Ces derniers ont nié avec la dernière énergie « faire un cadeau » aux foyers les plus riches en relevant le plafond de défiscalisation de l’ISF, de 50 000 à 100 000 euros.

C’est pourtant ce qui s’est passé. Une première réduction de 50 000 euros avait en effet été octroyée en 2007 par la loi Tepa. Elle a coûté 660 millions d’euros en 2008. Plus de 17 000 contribuables déclarant un patrimoine compris entre 770 000 et 1 240 000 euros ont empoché une réduction moyenne de 2 300 euros ; et plus de 2 000, déclarant un patrimoine net imposable à l’ISF supérieur à 7 400 000 euros, ont encaissé une réduction d’ISF moyenne supérieure à 40 000 euros.

Mais, en passant à une défiscalisation à 100 000 euros, les contribuables les plus riches seront exonérés d’ISF. Elle permettrait à un contribuable au patrimoine net imposable de 9 millions d’euros « de ne plus payer d’ISF », ont calculé le Syndicat national unifié des impôts (Snui) et SUD-Trésor.
Pour quel effet ? Côté Sarkozy, « un milliard d’euros est passé (sic) pour financer les petites entreprises et financer l’emploi » et « pas simplement [dans] la réduction du déficit… » . « L’idéologie qui sous-tend cette mesure a de quoi choquer : elle nie toute utilité économique de la dépense publique » , proteste les deux syndicats. Et elle nie toute utilité de la redistribution des richesses et de la lutte contre les inégalités.

En fait, « il reste à dresser un bilan de la première année d’existence de la réduction d’ISF de 50 000 euros, sur la base de l’efficacité économique qui était recherchée lors de la loi Tepa » , indiquent les syndicats. Pour l’instant, le gouvernement n’a retenu que l’argument de l’évasion fiscale mis en avant par les ultralibéraux pour justifier la suppression de l’ISF. Une étude de la Délégation générale des impôts, datée de 2007, a estimé les pertes pour l’État liées à la délocalisation des redevables de l’ISF à 144 millions d’euros. Mais plutôt que de lutter contre cette fraude, la logique sarkozienne lui préfère le renforcement d’une niche fiscale. Se souvient-on qu’il y a peu le gouvernement a décidé de plafonner les niches fiscales ?

Temps de lecture : 2 minutes