Quand l’histoire bégaye

De l’exil des Espagnols en 1939 aux réfugiés de Calais ou d’ailleurs, un même traitement : le double effacement de l’exilé par le mépris et par l’oubli.

Jean-Claude Renard  • 16 avril 2009 abonné·es

Rebondissant sur le soixante-dixième anniversaire de la tragédie espagnole (fin de la guerre et début de la dictature), ce 1er avril dernier, les Archives nationales et la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) ont tenu un séminaire sur le thème des « traces de l’exil : archives et création artistique ». C’était l’occasion d’observer le double effacement de l’exilé : de son pays d’origine et de sa terre d’accueil. Et de quoi mesurer combien le chapitre de l’exil a disparu de l’histoire de l’Espagne, ou plutôt n’y est jamais entré, de réécritures en purges. Ce n’est qu’aujourd’hui, plus de trente ans après le retour de la démocratie, que l’Espagne cherche à soigner son amnésie. De leur côté, et dans le volet hexagonal, les exilés ont évacué cette période de leur existence. Pour mieux s’adapter ou s’intégrer, peut-être. Face à ce double effacement, ou ce double silence, l’histoire fouille dans les archives, et la mémoire choisit des supports artistiques pour s’exprimer.
Mais dans les rayons de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, il y a peu de matériaux. Quelques objets, des supports du souvenir ; quelques œuvres pour « évoquer ».

Probablement parce que la France, sur ce volet espagnol, a oublié les camps de concentration installés en 1939 dans le Sud pour y parquer ceux qui avaient défendu un autre Front. La vie n’a pas été celle escomptée par ces réfugiés, ces exilés. Laissés-pour-compte. Passés au coup de balai. Aujourd’hui, ces autres réfugiés qui s’entassent à Calais ou ailleurs ne sont pas mieux traités. Réfugiés économiques ou politiques, en quête d’avenir plus sûr. Mais reçus avec la méfiance d’antan. Mépris. Rejet. Mêmes humiliations et même traque. Les procédés ont à peine changé. Mêmes attaques contre ceux qui osent aider ces malvenus, pour « délit de solidarité ».

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

­­Les droits des enfants, éternels oubliés de l’agenda politique
Analyse 26 août 2025 abonné·es

­­Les droits des enfants, éternels oubliés de l’agenda politique

Malgré des scandales à répétition et des rapports parlementaires accablants, la protection de l’enfance reste marginalisée dans le programme des partis, même à gauche. Le monde associatif s’agace de cette absence.
Par Thomas Lefèvre
Allocation de rentrée scolaire : « On laisse penser que les pauvres méritent leur pauvreté »
Entretien 25 août 2025 abonné·es

Allocation de rentrée scolaire : « On laisse penser que les pauvres méritent leur pauvreté »

Comme chaque année, des politiques et des éditorialistes utilisent l’allocation de rentrée scolaire pour relancer le débat sur « l’assistanat ». Entretien avec le sociologue Denis Colombi, qui décortique ce mythe.
Par Élise Leclercq
Mort du streamer Jean Pormanove : les conséquences du « validisme monétisé »
Entretien 21 août 2025 abonné·es

Mort du streamer Jean Pormanove : les conséquences du « validisme monétisé »

Raphaël Graven, alias « Jean Pormanove », est décédé dans la nuit du 17 au 18 août 2025, lors d’une émission en direct sur la plateforme Kick, après des années de sévices de la part des co-animateurs de la chaîne. Plusieurs collectifs dénoncent la diffusion d’un contenu violent, validiste et dangereux.
Par Thomas Lefèvre
« IA Quoi ? » : slop et astroturfing, comment l’intelligence artificielle inonde internet
Vidéo 27 juillet 2025

« IA Quoi ? » : slop et astroturfing, comment l’intelligence artificielle inonde internet

Défense, répression, écologie, travail … Dans cette série de vidéos, nous disséquons avec un regard critique le développement et les conséquences de l’intelligence artificielle sur tous les aspects de nos vies.
Par Thomas Lefèvre