Un pays à la dérive

Sur fond de querelle politique perpétuelle au gouvernement, le pays connaît une crise économique qui a plongé une grande partie de la population dans la pauvreté.

Claude-Marie Vadrot  • 16 avril 2009 abonné·es

Quand un pays passe en quelques mois d’une croissance de 2,1 % en 2008 à une chute du produit intérieur brut provisoirement estimée par la Banque mondiale à – 9 % pour 2009, quand la moitié des usines sont à l’arrêt, le choc promet d’être rude pour son économie et surtout pour sa population, qui voit augmenter le nombre de ses SDF. L’Ukraine plonge sans parachute dans la crise, et la promesse, encore très partiellement tenue, d’un prêt de 16,5 milliards de dollars consentis par le Fonds monétaire international risque de n’être qu’un emplâtre sur une jambe de bois. Surtout avec une inflation dont le rythme annuel atteint près de 30 %. Laquelle s’ajoute à une dépréciation de la monnaie nationale, le grivnas, qui a perdu 40 % de sa valeur face au dollar et à l’euro depuis le mois d’octobre dernier, et plus encore au marché noir. Situation catastrophique qui ne semble guère émouvoir le Président, Viktor Iouchtchenko, et la Première ministre, Ioulia Timochenko, qui consacrent le plus clair de leur énergie à se faire une guerre politique qui exaspère un nombre grandissant d’Ukrainiens. Sans leur faire oublier que la vie quotidienne devient de plus en plus difficile, que le chômage grimpe rapidement et que leurs salaires augmentent largement moins vite que les prix des produits essentiels. Dans un pays dont on oublie souvent qu’il est plus vaste que la France.

La révolution Orange de décembre 2004 est bien oubliée. Si tant est que ce fût une révolution puisque ses deux coacteurs n’ont guère cessé de s’affronter et de se distribuer des coups bas depuis la grande pantomime des tentes urbaines financée par Georges Soros, d’autres Américains et quelques milliardaires locaux, dont un célèbre marchand de chocolat. Dans les tentes livrées par camions entiers, il y avait malheureusement beaucoup de gens sincères qui ont aujourd’hui la certitude d’avoir été manipulés pour que leur pays fasse un bras d’honneur à la Russie et implore une entrée dans l’Otan. Alors, au marché central de Kiev, comme dans les marchés de la périphérie, les Ukrainiens font tristement les comptes de ce que leur aura ­finalement coûté le désordre politique, les bras de fer avec la Russie et les spéculations que les pouvoirs successifs, impuissants et éphémères, n’ont pas réussi ou pas voulu empêcher. Au point que les oligarques ukrainiens n’ont rien à envier à leurs collègues russes, surtout ceux qui se sont enrichis dans les mystérieuses tractations de gaz avec les Russes.

Si le FMI tente de venir au secours de l’Ukraine, toujours divisé entre pro-russes et pro-occidentaux, ce n’est pas parce qu’il se passionne pour le sort des Ukrainiens. L’inquiétude est autre : une quinzaine d’établissements bancaires occidentaux ont pris des parts importantes dans les grandes banques ukrainiennes ; si elles s’effondrent, le risque est grand, vu l’ampleur des sommes engagées, que des grandes banques comme Paribas, la Société générale ou la BNP, par exemple, connaissent de nouvelles difficultés. Les menaces sont précises puisqu’une douzaine de banques ukrainiennes sont virtuellement en état de cessation de paiement, ne se maintenant à flots qu’avec l’aide de la Banque centrale. Tout repose sur un État dont le Président et la Première ministre ne cessent de se quereller en prenant à témoin une opinion publique qui constate que la plupart des dépôts bancaires, les économies donc, sont gelés pour plusieurs mois. Ce qui plombe d’autant une économie intérieure où les retraités et les salariés les plus modestes peuvent à peine se nourrir. Alors que, comme en Pologne et en République tchèque, la petite paysannerie est l’objet d’une telle destruction que les grands céréaliers français y achètent d’immenses territoires.

Comme la plupart des ex-pays de l’Est, l’Ukraine s’est précipitée, poussée par les banques et les investisseurs américains et occidentaux, vers une économie ultralibérale qui n’a produit que quelques richesses fabuleuses et beaucoup de pauvreté en devenant une nouvelle religion.

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