De quels droits ?/Humour basque

Christine Tréguier  • 7 mai 2009
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L’affaire commence en juin 2008. La chambre d’agriculture des Pyrénnées-Atlantiques annonce la tenue d’un salon régional intitulé La Ferme en ville, censé faire découvrir aux citadins les bienfaits de l’agriculture raisonnée. Une bande de joyeux lurons se pique alors de dénoncer le double discours d’une chambre plus connue pour son soutien sans faille aux maïsiculteurs et à l’agriculture intensive que pour son intérêt pour des méthodes plus durables. Détournant le graphisme enfantin de l’affiche et du site du salon (fermeenville.fr), ils acquièrent le nom de domaine lafermeenville.fr, lancent un site parodique, baptisé La Ferme en vrille, et le référence si bien qu’il apparaît en une de Google à la moindre recherche. Sur le site, un certain Raymond Santeau, caricature les mérites du modèle d’agriculture industrielle, productiviste et compétitive prônée par la FNSEA, syndicat majoritaire dans les Pyrénées-Atlantiques. Les textes sont émaillés de citations et d’arguments empruntés à la lettre hebdomadaire de la FNSEA, le Sillon. Ils disent la nécessité de « convaincre du bien-fondé de la productivité, alors que l’opinion publique, très critique sur le productivisme, voudrait cantonner l’agriculture dans un rôle d’occupation du territoire rural ». Ils flattent les bienfaits de l’innovation – produits phytosanitaires, irrigation, OGM, agrocarburants, gestion des cultures par télédétection – et dénoncent l’ennemi : « les bobos, agri-soixante-huitards soutenus par des élus et des scientifiques en mal de clientèle électorale », adeptes de moratoires menaçant les agriculteurs modernes et responsables. Ils évoquent « l’infatigable combat de la FNSEA pour le développement des cultures OGM », ou encore son exigence de « continuer à consommer dans l’irrigation 300 litres d’eau fois 500 millions de kilogrammes de maïs, soit pas moins de 15 milliards de litres d’eau, alors même que les nappes phréatiques s’épuisent et les sécheresses se multiplient ».

Furieuse de s’être fait ainsi ridiculiser, la chambre d’agriculture de Pau porte plainte, puis se rétracte. Le site reste en ligne, mais n’est plus alimenté. L’affaire en reste là, jusqu’au 27 mars 2009. Le propriétaire du nom de domaine est avisé que la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine vient à son tour de l’attaquer en référé. Dépositaire de la marque « La Ferme en ville », elle se plaint soudain d’usurpation de nom de domaine et demande à ce que celui-ci lui soit rétrocédé. Une plainte téléguidée par la chambre de Pau, estime Jean-Noël Etcheverry, coordinateur de la fondation Manu Robles Aranguiz, qui soutient l’association Euskal herriko laborantza ganbara (EHLG), elle aussi poursuivie par cet organisme (voir Politis du 8 janvier 2009). Au-delà de son nom (signifiant chambre d’agriculture en basque), qui lui vaut une accusation d’usurpation de statut d’un établissement public, c’est le combat d’EHLG pour les petits paysans basques et une agriculture respectueuse de l’environnement qui lui a attiré les foudres de l’organisme d’État. Et justement celui-ci vient de perdre son procès la veille. Serait-on mauvais perdant à la chambre d’agriculture de Pau ?

À la Ferme en vrille, on ne baisse pas les bras. Un nouveau site onlafermerapas.info a été ouvert, et une pétition a été lancée, pour défendre la liberté d’expression et le droit à la parodie. Elle a reçu plus de 1 400 signatures. L’audience prévue le 29 avril a été reportée au 20 mai.

http://www.onlafermerapas.info

Une chambre particulière pour les paysans basques
http://www.politis.fr/article5315.html

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