De quels droits/Le plein de godillots

Christine Tréguier  • 28 mai 2009 abonné·es

« Aidons Jean-François Copé à lutter contre les députés godillots ! » C’est l’invitation lancée en page d’accueil du site www.deputesgodillots.info. À l’origine de ce site, l’épisode « historique » du rejet de la loi Hadopi le 9 avril, et une déclaration répétée du chef du groupe UMP à l’Assemblée nationale à l’occasion de la sortie de son livre Un député, ça compte énormément ! À en croire Copé, le temps des députés « godillots [^2] » est révolu.

Ne demandant qu’à être convaincus, deux internautes, se présentant comme « deux gus dans un garage [^3] » , créent un site dédié à la traque du député godillot. Il s’agit, expliquent-ils, d’ « un outil communautaire permettant aux citoyens suivant les débats parlementaires de partager leurs impressions sur des attitudes godillotes de certains députés de la majorité et d’en informer les électeurs ». Et de fournir quelques exemples : les godillots se repèrent à ce qu’ils ne prêtent aucune attention au fond des débats, lisent ou pianotent sur leur téléphone mobile ou leur ordinateur portable. Ils savent cependant joindre leur voix à celles du groupe pour invectiver leurs adversaires, et s’extraire de leurs prenantes occupations pour lever la main à l’unisson avant de replonger le nez sur leur écran. Autre signe distinctif, ils n’ouvrent jamais le dossier, distribué en début de séance, contenant le texte en discussion. Et ils brillent par le nombre réduit de leurs interventions, questions ou propositions de loi.

Chaque jour, le site met à l’honneur un député fainéant. Dans la liste, des obscurs, mais aussi quelques noms connus comme Jack Lang, Françoise de Pannafieu, Manuel Aeschlimann ou Éric Raoult. Le 10 mai, c’est le tour de Sylvia Pinel, députée PRG du Tarn-et-Garonne, que le site accuse de n’être qu’un « simple renfort numérique à son groupe d’opposition ». Elle s’est fait repérer lors des débats sur la loi Hadopi, où elle a été vue lisant, faisant son courrier, envoyant des SMS, et s’abstenant d’intervenir alors qu’elle est membre de la Commission des lois.
Mais l’élue prend très mal la chose. Par l’intermédiaire de son avocat, elle met le site en demeure de retirer la page la concernant, arguant de commentaires injurieux et de photographies portant atteinte à sa vie privée. Voilà nos deux gus menacés de poursuite pouvant entraîner jusqu’à 100 000 euros d’amendes. Ce qui ne semble guère les troubler. « Nous pouvons tout justifier et prouver nos informations devant les juridictions compétentes » , écrivent-ils. Pour eux, il n’est pas question de vie privée, mais des activités d’une élue siégeant en hémicycle. «  Elle essaye en fait de nous faire taire en jouant l’intimidation juridique. Nous préférerions qu’elle nous donne l’occasion de corriger sa page avec son travail parlementaire plutôt que par des pressions ! »

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[^2]: L’expression désigne un fidèle qui marche sans discuter, une personne qui exécute les ordres ou suit aveuglément les consignes de vote de son parti

[^3]: Allusion à la formule « cinq gus dans un garage », utilisée par Christine Albanel pour qualifier le collectif La Quadrature du net, l’un des principaux opposants à son projet de loi.

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