Être anticapitaliste aujourd’hui

Philippe Pignarre  • 21 mai 2009 abonné·es

Le NPA est une « machine de guerre » au sens où Félix Guattari utilisait cette formule pour caractériser le parti que Lénine avait construit pour prendre le pouvoir en Russie : « Quand Lénine invente la machine de guerre léniniste, il invente quelque chose de relativement mutant  [^2]. » Mais il précisait immédiatement : «  La construction de machines de lutte, de machines de guerre dont nous avons besoin pour renverser les situations du capitalisme et de l’impérialisme, ne peut avoir seulement des objectifs politiques et sociaux qui s’inscrivent dans un programme, incarné par quelques leaders et quelques représentants  [[Ibid., p. 245.
]]. » […]
Mais une « machine de guerre » ne peut pas se suffire à elle-même pour inventer ce qui pourrait mériter le nom d’anticapitalisme. La lutte politique telle qu’elle est définie par le NPA à partir des luttes revendicatives pourrait le transformer en une machine vide, répétant les mêmes slogans, toujours dans l’attente de l’événement détonateur. […]

Certes, un parti de près de 10 000 militants pourrait avoir un réel poids en cas de crise politique grave, à la différence de ce qui s’est passé en 1936 ou en Mai 68, où les ancêtres de la LCR ne regroupaient que quelques centaines de militants. Mais il est peu probable qu’il puisse continuer à recruter, à s’élargir durablement à tous ceux qui se heurtent au capitalisme et cherchent les moyens d’en sortir, en imaginant la fabrication exclusive de la politique par le seul truchement du « tous ensemble ». Cette stratégie peut même être un facteur de stérilisation quand la perspective de ce « tous ensemble » s’éloigne. Le risque est alors d’appeler de manière rituelle au « tous ensemble » avec le seul objectif de dénoncer les directions syndicales et politiques qui n’en veulent pas. Dans ce cas précis, une politique de dénonciation n’est pas très fructueuse : elle signe même l’échec de toute possibilité d’action et le retrait sur une position propagandiste sectaire. C’est l’expérience qui a été celle de petits groupes trotskistes dans le passé.

[^2]: Micropolitiques, Félix Guattari, Suely Rolnik, Les Empêcheurs de penser en rond, 2007, p. 249.

Publié dans le dossier
Démocratie européenne
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