La chasse aux produits chimiques

Après des années de marchandages, le règlement européen Reach soumet enfin les principales substances nocives à la question.
Au grand dépit de nombre d’industriels.

Claude-Marie Vadrot  • 28 mai 2009 abonné·es

La réglementation sur les effets et le contrôle des substances chimiques est probablement l’une des avancées européennes les plus intéressantes des vingt dernières années. Aussi, Reach, abréviation de la version anglaise pour « Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques », a-t-il logiquement déchaîné passions et pressions. Avec des groupes industriels (français et allemands notamment) pendus aux basques des parlementaires européens, des ministres de ­l’Industrie et des hauts fonctionnaires de la Commission d’un côté ; et des écologistes, dont Greenpeace, très investi dans cette bataille, de l’autre. Un affrontement de plusieurs années débouchant sur ce que le monde associatif considère comme une cote mal taillée. Mais, comme les industriels poursuivent leur harcèlement et leur critiques, le verre paraît au moins à moitié plein.
L’histoire commence en 1998, quand les ministres de l’Environnement, poussés par leurs opinions publiques, qui associent de plus en plus nettement environnement et santé, demandent à la Commission d’évaluer les législations sur les produits chimiques. Cinq ans plus tard, inquiétés par les travaux des experts de la Commission, « trop influencés par les groupes environnementalistes » , Jacques Chirac, Gerhard Schröder et Tony Blair suggèrent fortement au président de la Commission, Romano Prodi, de ne pas se hâter et de ne pas mettre en danger l’industrie chimique européenne. Trop tard, la mécanique est lancée. D’autant plus difficile à arrêter que la publication d’un règlement européen est précédée d’une procédure complexe et définitive ; complexe parce qu’elle relève, après rédaction par la Commission, d’une codécision entre le Parlement (avec plusieurs lectures et amendements) et le Conseil de l’UE, à qui revient de donner in fine son accord politique ; définitive car un règlement s’impose immédiatement aux 27 membres, alors qu’une directive doit être transcrite dans chacun des droits nationaux. Ce qu’un gouvernement peut faire traîner des années.

Proposé en septembre 2003, Reach est en vigueur depuis juin 2007. Et laisse d’autant plus les environnementalistes insatisfaits qu’après des mois de marchandages, des obligations ont été allégées ; ce que le rapporteur, le socialiste Guido Sacconi, admettait du bout des lèvres en décembre 2006 après le vote en expliquant : « Je n’ai jamais cédé sur l’essentiel. » Ce qui n’est pas faux et explique sans doute que, dans tous les votes et amendements, les parlementaires de l’UMP et du Front national se soient dressés contre.

La loi prescrit une procédure d’enregistrement de toutes les substances chimiques produites, importées ou utilisée dans l’UE en quantité supérieure à une tonne par an. Produits dont les toxicités (cancérigènes, mutagènes, bioaccumulables, néfastes pour la reproduction ou non-biodégradables) seront recherchées. Cela se traduira progressivement, au plus tard en 2018, soit par une surveillance accrue, soit par l’inscription sur une liste de substances « extrêmement préoccupantes » , soit par une interdiction ou une obligation (trop mal définie) de substitution. Comme il s’agit d’un processus continu amorcé depuis fin 2008, après la phase de réenregistrement des 30 000 produits concernés, dont 12 500 en procédure non simplifiée, les produits les plus nocifs devraient être retirés des processus industriels à partir de 2010. Ce qui irrite toujours les 5 000 entreprises françaises impliquées.

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