Veut-on protéger la nature ?

François Letourneux  • 14 mai 2009 abonné·es

L’évolution de la biodiversité peut être comparée à un avion dont tous les rivets assurent la cohésion : un rivet saute, l’avion vole toujours ; deux, trois rivets sautent, ça va encore, mais le danger peut survenir à tout moment. La question essentielle est de savoir combien de rivets l’avion peut perdre avant de s’écraser. Il en va de même de la biodiversité : à partir de quel niveau d’appauvrissement la situation devient-elle irréversible, tant pour la planète que pour le territoire français ? Nous ne le savons pas, ou mal, mais nous avons simplement la certitude qu’il existe un point de non-retour. Non pas pour la planète, qui en a vu d’autres, mais pour l’espèce humaine. Ce qui pose la question de la nature « ordinaire ». Nous ne protégeons qu’1 % de notre espace avec des réserves naturelles et des parcs nationaux, ce qui est bien peu. Cette stratégie du partage de l’espace entre ce 1 %, pour que les protecteurs de la nature puissent « jouer entre eux », et le reste, tout le reste, qui s’appauvrit rapidement à cause de notre espèce humaine, que l’on peut considérer comme invasive, n’est plus acceptable. Surtout dans les départements et territoires d’outre-mer, où la France a la responsabilité d’une biodiversité prodigieuse : bien plus d’espèces existent en Nouvelle-Calédonie que dans toute la métropole. Et la situation est encore pire dans les pays du Sud, que nous appauvrissons par nos prélèvements de riches : déforestation pour les agrocarburants, les cultures intensives ou le bois, etc.

En France, nous savons presque tout du loup, de l’ours, de l’aigle royal ou de la loutre, mais il n’existe qu’un seul programme pour suivre l’évolution des oiseaux communs – ceux que nous apercevons tous les jours –, ou celle des populations de papillons. Or, c’est aussi dans la part, de loin la plus importante du territoire, qui n’est pas protégée qu’il faut sauvegarder ou reconstituer la biodiversité. C’est là que les plus grands progrès sont possibles. D’où l’importance des corridors biologiques, la trame verte, qui doit relier les espaces protégés, indispensables réservoirs de biodiversité, entre eux et avec le reste du territoire. Pas question de figer un état remarquable de la nature, mais d’accompagner son évolution, de lui permettre de vivre, de s’adapter, ne serait-ce qu’aux modifications climatiques.

La Fête de la nature que nous organisons depuis trois ans n’est pas destinée seulement à faire visiter les réserves et les parcs, que les convaincus connaissent déjà, mais à faire découvrir la nature « au coin de la rue », celle que nous avons tous l’occasion de fréquenter presque tous les jours. Cela permet de mettre l’accent sur nos comportements, sur nos habitudes de consommation, sur le danger d’abandonner des déchets n’importe où, de rincer dans une mare ou une rivière un bidon de détergent.
La Fête de la nature, c’est l’occasion de reprendre contact avec le tissu vivant dont nous faisons partie. Et ce n’est pas triste, ce qui explique sans doute son succès grandissant. Tous dehors, les 16 et 17 mai, et les autres jours !

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