Cochet, le trouble-Verts

Patrick Piro  • 11 juin 2009 abonné·es

« Que va nous sortir Yves Cochet ? » L’interpellation curieuse est désormais classique lors des rassemblements écologistes. Reconversion massive des entreprises polluantes vers l’agriculture bio ou la construction écologique, rationnement des émissions de CO2 et autres interventions de l’autorité publique afin d’enrayer la crise écologique alimentée par le libéralisme économique… En quelques années, le député s’est progressivement singularisé au sein des Verts par des propositions marquées au sceau du radicalisme. Du moins sont-elles jugées comme telles par ses auditeurs : de son point de vue, elles sont du ressort d’analyses solides et du bon sens. Si Yves Cochet, mathématicien de formation, estime que la situation est « gravissime », ce n’est pas par idéologie, mais sur la base de constats scientifiques. « Avant d’être économique et financière, il s’agit avant tout d’une crise géologique » , défend-il : de la raréfaction inéluctable des ressources d’extraction – pétrole mais aussi phosphates (indispensables à l’agriculture productiviste), etc. –, découleraient toutes les autres crises.

C’est après un bref intérim comme ministre de l’Environnement du dernier gouvernement de Jospin, et après la défaite de ce dernier en 2002, qu’Yves Cochet, spécialiste des énergies renouvelables, enfile des habits de Cassandre. Un premier ouvrage intitulé Sauver la Terre  [^2]. sonne l’alarme, plantant le décor d’une planète très malade de l’idéologie productiviste. Mais c’est avec Pétrole apocalypse  [^3], au titre mûrement réfléchi, qu’il adopte résolument un profil de « catastrophiste » lucide qu’il ne désavoue pas. À ce titre, il renforce le sérail de plus en plus fourni des chercheurs et experts saisis par l’urgence d’agir vite et fort, principalement face au dérèglement climatique.
Depuis, le député prône clairement la « décroissance ». En avril 2008, il intervient à Paris lors du premier colloque scientifique sur le sujet. Il est d’ailleurs le seul politique à défendre sans détour cette conviction.

Avec son dernier ouvrage en date, l’ Antimanuel d’écologie  [^4], érudit et très accessible, il articule sa pensée scientifique, philosophique et politique en une vision écologique globale, qu’il présente comme nécessaire afin de débusquer le déni qui engourdit la société. Yves Cochet tente depuis longtemps de rallier une majorité de Verts à son sillon. « Encore raté », glose-t-on devant un nouvel échec pour rassembler une alliance dominante, lors du dernier congrès des écologistes (à Lille, fin 2008). En 2006, il n’avait pourtant échoué que d’une demi-douzaine de voix devant Dominique Voynet pour l’investiture verte à la présidentielle.
Alors que le très mauvais résultat lors de ce dernier scrutin plonge les Verts dans le marasme, c’est Yves Cochet qui propose un remède de cheval : une dissolution du parti afin de le reconstituer sur des bases nouvelles. C’est en partie pour soutenir cet objectif qu’il appuie résolument la constitution de la liste Europe écologie de Dany Cohn-Bendit, dont le large front préfigure à son sens un futur parti capable de dépasser l’impuissance actuelle des Verts à mettre la société en branle pour gagner la bataille écologique. « J’y suis plus que jamais déterminé, il serait irresponsable de ne rien changer », annonçait-il le 7 juin au soir.

[^2]: Avec Agnès Sinaï, Fayard, 2003

[^3]: Fayard, 2005.

[^4]: Bréal, 312 p., 21 euros.

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