Comment les militants ont gagné du terrain

Pour contrer le G20 et peser dans les débats, les altermondialistes investissent les organisations internationales.

Fanny Derrien  • 25 juin 2009 abonné·es

Depuis que leurs propositions alimentent à nouveau le débat public, les altermondialistes font parler d’eux. Qui aurait pu imaginer, il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy plaider pour plus de régulation financière et envisager de remettre au goût du jour la taxe Tobin ? « La crise a modifié les rapports de force. Elle n’a pas produit ces idées, qui existent depuis longtemps, mais leur a donné un droit de cité » , estime Gustave Massiah, ex-président du Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid). Plusieurs ONG de solidarité internationale, membres de ce collectif, ont un statut d’observateur dans les organisations internationales. C’est le cas notamment des associations engagées dans l’Action mondiale contre la pauvreté [^2].

De nombreux altermondialistes voient au sein des Nations unies des signes de changements, et l’occasion d’y installer un nouveau rapport de force. « Sans remettre complètement en cause le système, l’assemblée des Nations unies et les agences spéciales reconnaissent désormais ses imperfections et vont jusqu’à adopter des propositions alternatives » , se réjouit Jacques Cossart, membre du conseil scientifique d’Attac. Ainsi, les onze recommandations pour ­mettre fin à l’appropriation des biens communs, faites par Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies, ont été perçues comme un signe encourageant. Et la nomination de François Houtard, militant altermondialiste de longue date, comme représentant personnel du président de l’assemblée des Nations unies dans la commission Stiglitz a renforcé cette impression.

Mais cette « stratégie d’alliance », qui n’est pas nouvelle, divise les altermondialistes. Habitués à lutter sur le terrain des idées lors des forums sociaux ou dans la rue en organisant des contre-sommets, certains altermondialistes se montrent plutôt réticents à l’idée de « s’appuyer » sur des organisations internationales pour agir. Les courants les plus radicaux considèrent les Nations unies comme un instrument de plus aux mains des grandes puissances. Pour ­d’autres, cette approche a déjà porté ses fruits. « En 2005, j’ai participé à la commission Landau créée par Jacques Chirac. Notre rapport a permis de faire adopter une taxe sur les billets d’avions pour financer l’aide au développement, raconte Jacques Cossart, elle a rapporté 300 millions de dollars en 2008, ce n’est pas rien quand même ! »

Les résultats sont parfois plus mitigés. «  Depuis l’an 2000, l’accès au G8, aux réunions du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale est devenu plus facile. Mais c’est à double tranchant, car on est rarement satisfait du résultat. Au dernier G20, la publication de la liste des paradis fiscaux n’a pas donné grand-chose, mais c’était quand même la première fois qu’on arrivait à faire remettre en cause leur existence » , explique Sébastien Fourmy, coordinateur des projets à Oxfam France-Agir ici. Travail de longue haleine : il a fallu dix ans pour que les ONG obtiennent l’annulation de la dette de 18 pays pauvres auprès des institutions financières. Et sans la pression de l’opinion publique, cela est impossible, s’accordent-ils tous à dire. «  Tant que le peuple ne tapera pas du poing sur la table, on aura beau avoir agi, cela ne prendra pas. On l’a vu avec les dernières manifestations syndicales en France » , affirme Jacques Cossart. Écartelés entre la nécessité de faire pression sur les institutions et celle de ne pas délaisser la rue, les altermondialistes sont à la recherche d’un juste équilibre. Et d’une fin qui justifie les moyens.

[^2]: Coalition qui interpelle les chefs de gouvernement du G8 afin qu’ils respectent les engagements pris dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement.

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