De quels droits?/Et de vingt !

Christine Tréguier  • 4 juin 2009 abonné·es

Si on se fie au décompte réalisé en février dernier par le Monde , le ministre de l’Intérieur Sarkozy, puis ceux qui ont assuré cette fonction dans son gouvernement ont fait voter dix-huit lois ayant trait à la sécurité. Dix-neuf si on ajoute la petite dernière sur les bandes organisées. La Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), dont le texte vient d’être présenté en Conseil des ministres, sera donc la vingtième du genre.

Annoncée depuis des mois par la ministre de l’Intérieur, la Loppsi 2 est un véritable fourre-tout créant de nouveaux délits – comme le délit d’usurpation d’identité sur le Net – et durcissant des législations existantes. Côté sécurité routière, elle introduit la confiscation des véhicules pour certains mauvais conducteurs récidivistes et la création d’une sanction pour trafic de points. Elle assouplit les règles de la vidéosurveillance. Histoire d’honorer la promesse gouvernementale de triplement des caméras sur le territoire, les entreprises privées se verront incitées à déployer des dispositifs de surveillance de l’espace public, non seulement dans les lieux potentiellement exposés aux actes terroristes, mais aussi dans les « lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ».
*
Mais c’est le chapitre des mesures contre la cybercriminalité qui suscite le plus de commentaires. La Loppsi 2 prévoit que, pour les besoins de la lutte contre la criminalité organisée, les enquêteurs pourront désormais, sur décision d’un juge d’instruction, mettre en place des « *écoutes informatiques »
. Autrement dit, installer des programmes mouchards leur permettant de savoir à distance ce qui est tapé sur un clavier d’ordinateur ou affiché sur l’écran. Dispositif, précise la note introductive au projet de loi, « qui ne pourra être utilisé en vue de la surveillance des membres de certaines professions, comme les avocats ou les parlementaires » . Si ce n’est que ces exceptions ne figurent pas dans le texte, et qu’il y manque une catégorie sensible, les journalistes.

Autre mesure impopulaire, la mise en place d’une liste noire de sites pédopornographiques hébergés à l’étranger, qui sera communiquée par le ministère de l’Intérieur aux fournisseurs d’accès (FAI). Il s’agit, affirme le ministère, qui ne fournit cependant aucun chiffre, de lutter contre l’augmentation constante de la pornographie enfantine. Les FAI se verront donc obligés, sous peine de sanction, de bloquer l’accès à ces sites. L’objectif est louable, mais le filtrage est loin d’être la solution miracle. Plusieurs pays l’ont expérimenté, sans grands résultats. Les sites visés changent d’adresse, et deviennent plus difficiles à repérer. Pire, au Danemark, en Finlande ou en Thaïlande, la liste noire s’est retrouvée en ligne, pour le plus grand bonheur des pédophiles. Pour nombre d’experts, c’est faire entrer le loup dans la bergerie. Si le principe d’un filtrage à la demande est accepté, l’industrie des contenus ne tardera pas à demander le blocage des sites de peer to peer.

Temps de lecture : 3 minutes