Du G20 au G192

Jacques Cossart  et  Dominique Plihon  • 11 juin 2009
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Celles et ceux qui avaient été ébranlés par les déclarations tonitruantes sur la refondation de l’économie mondiale à l’occasion du G20 de Londres le 1er avril ont pu se rendre compte que c’était en réalité… un poisson d’avril. Car c’est bien d’une énorme supercherie qu’il s’agit. On nous a ainsi promis de lutter contre les paradis fiscaux et les hedge funds (fonds spéculatifs). Quelles mesures ont été prises ? Eh bien, il a été décidé de créer trois groupes de paradis fiscaux selon leur degré de nocivité. Aujourd’hui, il ne reste plus que deux groupes contenant les moins nocifs, dans lesquels on retrouve le Luxembourg, Monaco, Jersey. Et le tour est joué : on a fait croire au bon peuple que certains paradis fiscaux sont tout à fait acceptables. Exit l’idée de supprimer ces zones de non-droit qui attirent l’argent de la fraude et du blanchiment, et des transnationales. Même supercherie pour les hedge funds : la Commission européenne propose de les labelliser, ce qui veut dire qu’il y aurait de bons hedge funds . À nouveau, on se moque de nous !
La deuxième raison de rejeter le G20, c’est qu’il est illégitime car il ne regroupe que les vingt pays les plus puissants de la planète ; c’est-à-dire que le G20 s’est érigé en directoire du monde, tout comme l’était le G7.
Face à ces tromperies et à ces atteintes à la démocratie, il faut organiser un débat international sur de véritables alternatives, en l’ouvrant à tous les pays de la planète, grands et petits, riches et pauvres. Il existe aujourd’hui une initiative intéressante dans cette direction. Elle émane de l’une des instances les plus ouvertes des Nations unies : l’Assemblée générale, le « G192 », comme l’appelle son président, Miguel d’Escotto. Cette instance a confié à une commission présidée par Joseph Stiglitz la mission d’élaborer des propositions pour réformer le système monétaire et financier international.

Cette démarche politique a un double mérite. Tout d’abord, ces propositions devront être discutées à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre. C’est-à-dire que l’ensemble des 192 pays membres des Nations unies – et non plus les seules 20 grandes puissances – pourront donner leur avis sur les réformes à mettre en œuvre. En second lieu, les propositions de la commission Stiglitz vont beaucoup plus loin que celles du G20 ^2. Ainsi, les auteurs du rapport Stiglitz affirment que la crise financière internationale a une dimension systémique, qu’il faut en finir mondialement avec les marchés financiers déréglementés, et remettre en cause le dumping social, fiscal et écologique. Le rapport préconise une régulation publique s’inspirant de l’esprit de Bretton Woods. Il propose la création au sein des Nations unies d’un « conseil de coordination globale » chargé de mettre en œuvre une reréglementation multilatérale du commerce international et des mouvements de capitaux. Le rapport appelle à une prise de conscience des limites écologiques et à une réduction drastique des émissions de gaz à effets de serre avec l’institution de taxes carbone internationales. Enfin, il propose de créer de nouveaux moyens de financement publics pour les pays les plus pauvres.

Il faut être lucide. Le rapport Stiglitz a d’importantes insuffisances. Il ne remet pas vraiment en cause le dogme du libre-échange, pas plus que le rôle du FMI. Il ne tire pas toutes les conséquences de son diagnostic selon lequel la crise actuelle est systémique. Il ne propose pas de s’attaquer aux inégalités qui découlent directement de la concurrence entre les États et les travailleurs du Nord et du Sud.
Pourtant, en dépit de ces limites, il est important d’apporter un soutien critique à la dynamique du G192, pour deux raisons. D’abord, le G192 représente une démarche politique alternative à celle du G20. Les principaux représentants du G20 ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et ont critiqué l’initiative du président Escotto. Ensuite, le seul moyen de s’opposer au retour des politiques néolibérales et de construire des alternatives est de rechercher des alliances entre toutes les forces sociales, politiques et altermondialistes qui luttent contre cette mondialisation.

Jacques Cossart et Dominique Plihon sont membres du conseil scientifique d’Attac.
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Temps de lecture : 4 minutes
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