La grande braderie des services publics

Les services publics répondent à des besoins sociaux mais sont soumis à une libéralisation sans limites par la Commission.
Le dépeçage en cours a des conséquences alarmantes.

Thierry Brun  • 4 juin 2009 abonné·es

Quel est le lien entre une collision ferroviaire, la fermeture de bureaux de poste et l’augmentation des factures d’électricité et de gaz ? A priori, aucun… Il existe pourtant bien un point commun : la Commission européenne a engagé depuis des décennies la libéralisation de l’ensemble des secteurs publics et, si on ne peut tous les citer, quelques exemples montrent que ce long processus de marchandisation possède bien des effets pervers.

Si l’on en croit la Fondation Copernic, think tank antilibéral, « partout la fable libérale a été démentie : chemins de fer, électricité, eau, transports, télécommunications. Ni l’amélioration du service, ni la baisse des prix, ni les économies budgétaires ne sont au rendez-vous ».
Censée améliorer le service, la libéralisation des chemins de fer a entraîné notamment un indéniable abaissement du niveau global de sécurité. L’ouverture début 2007 du transport de fret, mis en place par Jacques Barrot (UMP), commissaire européen aux Transports, est marquée par quelques accidents spectaculaires en France, comme celui survenu récemment à proximité d’Angoulême, entre un train d’une filiale de la Deutsch Bahn et celui de la SNCF transportant du fret. Il y a un an, une catastrophe a été évitée de peu à Montauban entre un train Véolia Cargo en dérive et un TER de la SNCF.

L’adaptation du rail aux règles de la concurrence a débuté dès 1991, et cette obstination libérale a connu un échec cuisant en Grande-Bretagne : trains qui circulent moins vite, accidents à répétition, flambée des tarifs, licenciement de deux tiers des cheminots entre 1990 et 2000, et chute des investissements. Pire, dans le cas de la libéralisation des transports routiers de marchandises, votée en avril par le Parlement, un véritable dumping social a été autorisé avec l’application du principe du pays d’origine aux transporteurs (voir ci-dessous).
L’absence d’un bilan européen rend invisibles les effets de la mise en coupe réglée des services publics. Présentée en 2006 par la Commission et adoptée définitivement en 2008 par le Parlement européen, l’ouverture du courrier à la concurrence a entraîné la fin de la péréquation tarifaire, la fermeture de bureaux de poste, la dégradation de la distribution… Trois ans de déréglementation du marché de l’électricité, et son quasi-démantèlement, ont provoqué la hausse des prix de 70 % dans le secteur dérégulé.

Les télécommunications ont servi de banc d’essai à ce processus de libéralisation, qui a permis de généraliser la déréglementation aux autres services que la Commission nomme les « services d’intérêt économique général ». Mais l’éducation et les soins de santé sont-ils épargnés ? Non. La « modernisation » des universités, en réalité la promotion de leur privatisation, est un thème prioritaire de la Commission et de sa stratégie de Lisbonne. Et, en juillet 2008, la même Commission a présenté une proposition de directive sur les droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, dans la logique de développer un « marché unique de la santé » en lieu et place d’un service public réduisant les inégalités sociales. L’harmonisation par le haut des politiques sociales est donc bien loin d’être une priorité.

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