Le réveil indien

Malgré les répressions, les communautés indigènes restent mobilisées contre le pillage de leurs ressources.

Fanny Derrien  • 18 juin 2009 abonné·es

«Ya basta ! » Les communautés indigènes amazoniennes ne reculeront pas devant l’État péruvien, dirigé par Alan García. Les violents heurts avec la police, qui ont fait 34 morts et plus de 170 blessés la semaine dernière, n’ont pas entamé leur détermination. Depuis deux mois, les indigènes exigent le retrait de plusieurs décrets-lois sur l’exploitation minière et hydrique de leurs terres. Face aux mépris des autorités, qui ont longtemps refusé toute négociation, les communautés indiennes ont érigé des barrages pour paralyser le trafic de l’industrie pétrolière.

Leur mobilisation a payé : l’État semble désormais vouloir calmer la situation en déclarant la suspension des décrets controversés et la mise en place d’une table de dialogues.

La guerre des ressources naturelles est au cœur des mobilisations. Plus de 70 % de l’Amazonie péruvienne ont déjà été divisés en concessions pétrolières, et la découverte de plusieurs gisements menace de détruire la plus grande partie des forêts vierges où vivent les Indiens. En janvier, l’Équateur a lui aussi été secoué par des manifestations massives contre l’exploitation minière à grande échelle entraînant pollution chronique et de graves conséquences sanitaires. Les organisations indigènes, qui avaient soutenu la candidature de Rafael Correa aux élections de 2006, n’ont pas hésité à l’accuser de « se vendre au secteur minier ».

Ces dernières années, les mouvements indigènes se sont affirmés dans tout le continent latino-américain. Leurs répertoires d’actions sont similaires et leurs revendications s’appuient sur des bases légales. En effet, les Indiens d’Amazonie demandent le respect de la Convention de 1989 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui accorde un droit de regard aux populations autochtones sur leur territoire. En Équateur, la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie) invoque la nouvelle Constitution pour déclarer illégale la loi sur l’exploitation minière.

Ici et là, on assiste aussi à une mise en réseau des mouvements, sous la houlette d’Evo Morales. Le chef d’État bolivien a d’ailleurs été accusé par Alan García de « s’immiscer dans les affaires du pays » , après qu’il eut dénoncé un « génocide » . Un député est allé plus loin en l’accusant d’avoir poussé les Indiens à la révolte lors du Sommet des nations indigènes d’Amérique latine organisé fin mai. L’absence de dialogues n’est pas sans lien avec ces regains de violence. Au Pérou, les communautés indigènes n’ont jamais été consultées depuis le début des réformes en 2006.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier