Un film en noir et vert

« Les Cœurs verts » sera projeté au festival Filmer la musique lors d’une soirée consacrée aux blousons noirs des années 1960.

Éric Tandy  • 4 juin 2009 abonné·es

ce sont de passionnantes plongées dans ce que l’on appelait naguère l’underground qui seront proposées pendant la troisième édition de Filmer la musique, qui aura lieu à Paris (au Point éphémère, au MK2 Quai de Seine et au Centquatre) entre le 9 et le 14 juin. Ce festival mélangeant concerts et projections de films liés au rock, au jazz, à l’avant-garde sous ses nombreuses formes permettra à la fois de découvrir des images anecdotiques (comme des vieux scopitones), des documentaires souvent très pointus, mais aussi quelques chefs-d’œuvre essentiels rarement diffusés en salle. Les organisateurs insistant sur le caractère « ludique » de la manifestation.

Ludique, ce n’est pourtant pas le qualificatif qui vient à l’esprit lorsqu’on regarde pour la première fois les Cœurs verts , un long-métrage réalisé par Édouard Luntz en 1965, qui sera projeté le 11 juin lors d’une soirée consacrée aux blousons noirs des années 1960, programmée par le label de disques parisien Born Bad Records. Interprété par une vraie bande des HLM de Nanterre, ce film quasiment unique en son genre (en dehors du nettement plus scénarisé Terrain vague de Marcel Carné, le cinéma français aura totalement ignoré ce phénomène des banlieues naissantes) nous renseigne sans détours sur une adolescence faite de déambulations, d’exactions qui paraissent aujourd’hui mineures (siphonnage de réservoirs de 2 CV, par exemple), de gardes à vue au commissariat et – bien sûr, quand même – de violence. On est évidemment très loin des clichés « jours heureux », et surtout très classes moyennes, du American Graffiti de George Lucas, ou même des films références, mais aux intentions spectaculaires, comme l’Équipée sauvage . Même si le rôle qu’y tient Marlon Brando a, des deux côtés de l’Atlantique, été déterminant dans le port du fameux blouson de rebelle et dans les attitudes qui l’accompagnaient.

Avec les Cœurs verts , Luntz, qui est un peu plus connu pour son Dernier Saut (avec Maurice Ronet et Michel Bouquet), observait avec tact un monde autonome en train de s’inventer loin des centres-villes. Un univers qui sera par la suite longtemps absent des écrans (la plupart des metteurs en scène français des années 1970 et 1980 préférant caricaturer le « rocky » à Perfecto et à cheveux gominés plutôt que de le montrer avec honnêteté). Il faudra attendre le hip-hop, Jean-François Richet ( Ma 6-T va craquer ) et quelques autres pour que les banlieues soient à nouveau regardées et non plus parodiées. Car même si énormément de choses opposent les fans de Vince Taylor dans les années 1960 (dont quelques clips rares seront projetés pendant le festival) et ceux de NTM, les raisons de la désillusion sont similaires.

Petit plus, pour les passionnées d’archéologie musicale, c’est Serge Gainsbourg qui a composé la BO des Cœurs verts , étrennant pour l’occasion la mélodie qui allait plus tard être réutilisée avec succès sur Je t’aime moi non plus. Quand à la touche rock’n’roll de la soirée, une musique en réalité peu présente dans le film (autre preuve qu’il échappe aux clichés préétablis), elle sera donnée sur scène par le duo de rock garage bordelais, Magnetix.

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