Le néolibéralisme triomphant

Thierry Brun  • 23 juillet 2009 abonné·es

Avec la période de la fin des années 1980, le capital va prendre sa revanche avec une brutalité insoupçonnée. Les bouleversements en chaîne dans tout le bloc soviétique en Europe de l’Est ouvrent la voie à la mondialisation libérale. Le triomphalisme libéral s’affirmant, il assimile déjà la libéralisation absolue de l’économie à la rentabilité maximale des entreprises. La référence au risque devient omniprésente, les sociétés contemporaines mutent vers des « sociétés du risque », « parce que les régulations collectives font de plus en plus défaut pour maîtriser tous les aléas de l’existence » , écrit Robert Castel [^2].

En France, Yvon Gattaz, alors patron du CNPF, ancêtre du Medef, inaugure ce règne du risque social : « 1983 sera l’année de la lutte pour la flexibilité » , déclare-t-il. Et elle sera pour lui « l’année de la lutte contre les contraintes introduites par la législation au cours des Trente Glorieuses » . En quelques années, la part des profits grimpe, au détriment des salaires. « 1986 est d’ailleurs l’année d’un ajustement de la part salariale d’une incroyable violence » , note Frédéric Lordon [^3], citant ce chiffre : « 3,5 points de PIB basculent en douze mois ! » Pour atteindre un sommet en 1989, avec 33 % de parts des profits et autant de moins pour le salariat.

À la fin des années 1980, les mécanismes de marché, libérés sans la moindre entrave, vont garantir l’irréversibilité du retour au capital. Surtout, les processus de déréglementation concurrentielle se généralisent et accompagnent la construction européenne comme la naissance de l’Organisation mondiale du commerce, en 1995. Chargée de « marchandiser » la planète, avec notamment l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) et l’accord général sur le commerce des services (AGCS), elle est la bête noire des altermondialistes.

L’effondrement des pays de l’Est marque l’avènement de la concurrence sans frein et rend caduques les aspirations sociales auxquelles le capitalisme organisé répondait plus ou moins. Et cette doctrine néolibérale fut érigée en dogme universel en 1989 par l’économiste américain John Williamson. Cette banalisation n’aurait pas été possible sans la chute du Mur.

[^2]: La Montée des incertitudes, Seuil, 2009.

[^3]: La Crise de trop. Reconstruction d’un monde failli, Fayard, 2009.

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Chute du Mur : 20 ans après
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