Vacances très chics au Cap-d’Agde

Depuis un an, le comité d’entreprise d’EDF-GDF fait appel à des coopératives pour gérer les déchets, l’eau, la téléphonie et l’informatique de ses villages de vacances du Languedoc-Roussillon. Une petite révolution.

Samuel Moreau  • 23 juillet 2009 abonné·es
Vacances très chics au Cap-d’Agde

Le Cap-d’Agde, ses campings, ses hôtels, ses villages de vacances… 20 000 habitants l’hiver, dix fois plus l’été ! Bienvenue dans la « station capitale », slogan affiché par son député-maire UMP Gilles d’Ettore, qui revendique avec fierté la plus forte concentration touristique de l’Hexagone. Son ambition ? Développer des « produits haut de gamme » pour attirer « une clientèle à fort pouvoir d’achat » sur un « marché touristique devenu très concurrentiel (1) ».

Un projet aux antipodes de celui que défend depuis un demi-siècle, dans ses centres de vacances, la Caisse centrale d’activités sociales (CCAS) des électriciens et gaziers, premier acteur français du tourisme social. C’est pourtant bien ici, au Cap-d’Agde, que ce comité d’entreprise administré par des représentants de salariés vient de sceller, à l’échelon régional, un rapprochement inédit avec le mouvement coopératif. Son souhait : « Ancrer une culture de l’économie sociale et solidaire au sein de [ses] instances. »
Il y a trois ans, le centre de vacances CCAS de la station balnéaire héraultaise s’est mis au tri sélectif des déchets, démarche peu en vogue dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Tout aussi inhabituelle, la décision de faire appel, en 2008, à l’expertise d’une société coopérative de production (scop). Une aubaine pour Ecovia, bureau d’études spécialisé dans le conseil et l’accompagnement en « écodéveloppement », siégeant non loin de là. Sa mission : organiser la collecte des déchets, former les équipes de restauration et sensibiliser les vacanciers au recyclage. « Pour nous, comme pour la CCAS, la dimension pédagogique et participative du projet est au moins aussi importante que l’aspect technique » , affirme-t-il. Visite du centre de tri, animations ludiques, expositions, distribution de manuels pratiques et d’affichettes… Recycler, c’est aussi faire des économies substantielles sur la redevance spéciale liée à l’enlèvement des ordures. « Grâce à ces économies, nous avons créé un emploi supplémentaire pour gérer le tri sélectif », se réjouit Maurice Croese, ancien chef de service à la direction régionale Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées de la CCAS.

Et ce n’est qu’un début. « Nous voulons désormais intégrer une coopérative dans chacun de nos appel d’offres. L’objectif est de faire passer de 5 % à 15 % au moins la part de nos achats auprès des scop de la région » , poursuit Maurice Croese. Si cet objectif est atteint, plusieurs dizaines d’emplois pourraient être créés, estime-t-on à l’union régionale des coopératives de production des Régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. « La dynamique qui se développe devient elle-même créatrice d’entreprises et d’activités », se félicite son délégué, François-Xavier Salvagniac.

D’autres partenariats prometteurs ont été initiés dans le centre du Cap-d’Agde. L’été dernier, Scopelec, coopérative spécialisée dans les systèmes d’information et la téléphonie, y a installé l’accès au Wi-Fi ainsi qu’une nouvelle messagerie d’accueil. Au village de vacances de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), c’est la scop Pure environnement qui a été chargée d’améliorer la gestion de l’eau. Avec, là encore, des résultats immédiats, selon Michel Coste, son gérant : « Nous générons une économie de 13 millions de litres chaque année, soit 26 000 euros par an. »
Oui, mais… « La part de la commande des CE à l’économie sociale [reste] dérisoire » , note Jean-Philippe Milésy, auteur d’un ouvrage intitulé Économie sociale et mouvement syndical  (2). Réalité d’autant moins compréhensible que ces deux univers partagent les mêmes valeurs. François-Xavier Salvagniac en identifie trois. « La première, c’est l’engagement : nous pensons qu’il faut mouiller sa chemise si nous voulons que le monde aille mieux. La deuxième, c’est la recherche de la justice sociale. Et j’y ajoute la responsabilité : la CCAS pourrait se contenter d’organiser des vacances “pépères” pour ses ayants droit. Or, elle va beaucoup plus loin. »
Pierre-Georges Juskiewenski, directeur général de Scopelec, le confirme : « En faisant appel à nous, elle semble se soucier, dans les critères de choix de ses fournisseurs, non seulement de la prestation et du prix, mais aussi des conditions dans lesquelles la production se réalise. Même dans les appels d’offres des collectivités locales, on ne voit pas ça ! »

La CCAS, qui apporte depuis plusieurs années son soutien au commerce équitable, a rédigé il y a trois ans une charte du développement durable, social et solidaire. Elle y affirme son engagement en faveur d’une économie au service de l’homme et respectueuse de l’environnement. En faisant appel à des coopératives, elle veut encourager « des entreprises où les décisions sont prises selon le principe “une personne, une voix” » et où « la redistribution des bénéfices respecte des règles d’équité ».

Proches cousins, ­coopératives et comités d’entreprise n’avaient jusqu’à alors jamais collaboré de manière structurée. François-Xavier Salvagniac se prend à espérer : «  J’ai le sentiment qu’un seuil a été franchi. Cela tient à la grande représentativité de la CCAS, qui recouvre à elle seule un champ considérable : celui des personnels de la production d’énergie à l’échelle d’un pays. Notre mérite est d’avoir su passer des discours aux actes. »

(1) Extrait d’une interview accordée au journal de la ville d’Agde, février 2009.
(2) Guide pratique édité par le mensuel Alternatives économiques en janvier 2009.

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