« Vivre autrement, c’est faisable »

Avec leur film « Bonheur national brut », Sandra Blondel et Pascal Hennequin, fondateurs de l’association Fokus 21, mettent en avant d’autres façons de travailler, d’apprendre, de consommer…

Xavier Frison  • 17 juillet 2009 abonné·es
« Vivre autrement, c’est faisable »

Politis : Comment est née votre association, Fokus 21 [^2]?

Sandra Blondel, Pascal Hennequin : Nous avons créé la structure en 2005, à la suite d’un Défi Jeunes. Au début, nous n’étions pas spécifiquement militants, mais on s’intéressait au commerce équitable et on a voulu voir ce qui se faisait réellement sur le terrain ; comment, par exemple, on pouvait travailler de manière plus juste.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans le projet du film Bonheur national brut [^3], auquel vous avez consacré trois années ?

Ce film, réalisé après un tour de France, a pour but de montrer une autre manière d’envisager la richesse et de médiatiser des initiatives équitables chez nous. Il s’agit aussi de permettre aux acteurs de cette autre économie de se connaître et de montrer que notre mode de vie peut s’exercer autrement. Pas seulement notre consommation, mais aussi notre habitat, notre manière ­d’appréhender le travail, d’apprendre, etc. L’idée est de montrer qu’on peut vivre autrement de façon cohérente, et surtout que c’est faisable !

Quelles ont été les expériences les plus marquantes de votre voyage dans les modes de vie alternatifs ?

Celles que l’on montre dans notre film : il y a, par exemple, Denise et Daniel Vuillon, « jardiniers de famille » dans le Var et initiateurs en France du réseau des Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), qui ont fait le pari de la biodiversité grâce au soutien de leurs consommateurs. On peut aussi citer la coopérative Ardelaine, entreprise citoyenne qui a redonné vie à la dernière filature de laine d’Ardèche. Ou encore Claude, Jocelyne et les bénévoles de l’Écocentre du Périgord, lieu de formation et d’expérimentation des techniques d’écoconstruction. En réalité, ce sont les rencontres qui nous ont marqués, plutôt que les structures.

On a l’impression que ce sont souvent des initiatives portées à bout de bras par une ou deux personnes…

En effet, et c’est ce qui a impulsé la démarche du tour : nous voulions montrer comment, à partir de motivations individuelles, on peut développer des alternatives qui génèrent ensuite des motivations plus collectives. Nous avons voulu partir d’expériences singulières, personnelles, de chemins de vie, pour comprendre comment ces initiatives se sont construites. Ces gens se posent maintenant la question de la transmission : comment passer le relais ? Ils rencontrent aussi aujourd’hui un succès qu’ils n’avaient pas il y a quinze ans, mais sans jamais montrer la volonté de s’exclure d’une société qu’ils auraient rejetée. Au contraire, ils font partie du « système » et ­veulent le modifier de l’intérieur.

Il semblerait que les acteurs
de ces initiatives aient du mal
à communiquer, entre eux mais aussi vers « l’extérieur ».

Si l’on regarde l’Écocentre du Périgord, il est assez bien relié aux autres écocentres français. Cependant, il est vrai que tous ces acteurs restent cantonnés dans leur champ d’intervention, alors qu’il faudrait développer de vraies collaborations. Toutes ces activités portent en réalité les mêmes valeurs, de solidarité, de recherche du juste prix, du circuit le plus court entre la production et la consommation, etc. Toutes devraient donc apprendre les unes des autres, parce que finalement toutes ont la même démarche. C’est une des raisons d’être du festival Festi’solies, organisé l’automne dernier en Île-de-France [^4], qui veut faire se rencontrer ces acteurs de l’économie solidaire. Mais la demande n’est pas encore vraiment là : c’est une prise de conscience qui arrive lentement.

Quelles sont les limites du « vivre autrement » ?

On a constaté un vrai déficit en matière de communication et d’information. Sans compter le choix de vie qu’implique l’économie solidaire : cela demande beaucoup de disponibilité et d’énergie. Le manque de moyens financiers n’arrange pas les choses. On peut aussi évoquer la question des retraites, qui est un gros point noir. L’engagement de ces gens est une activité « sans filet ». Malgré tout, il existe des exemples encourageants dans la prise en compte de l’après-vie active, comme les maisons de retraite solidaires. Sur le plan de la santé aussi, c’est délicat : pour l’instant, la majorité des gens se contentent de pratiques surmédicalisées et non préventives. Les alternatives existent, mais elles sont encore individuelles.

 .

[^2]: [>http://fokus.free.fr] : Fokus 21 cherche des partenaires financiers et des diffuseurs pour « Ulysse XXI », un projet d’ateliers vidéo itinérants avec des jeunes, à l’échelle euro-méditerranéenne.

[^3]: Le DVD de Bonheur national brut est disponible sur le site de l’association (20 euros)

[^4]: . Un autre festival est prévu en Provence-Alpes-Côte-d’Azur en 2010 : Politis vous tiendra informé des dates du 1er polyforum des initiatives citoyennes et solidaires en Paca.

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