De quels droits ?/Joachim Gatti contre la BAC de Montreuil

Christine Tréguier  • 27 août 2009 abonné·es

Le 8 juillet, à Montreuil, lors d’une manifestation de soutien à des squatteurs expulsés le matin, Joachim Gatti prenait un tir de Flash-Ball en pleine tête et perdait un œil. Deux jours plus tard, la machine d’État ajustait la réalité pour légitimer le tir. « Un jeune homme d’une vingtaine d’années, qui occupait, avec d’autres personnes, un squat évacué mercredi à Montreuil, a perdu un œil après un affrontement avec la police, a-t-on appris de sources concordantes » , écrivait l’AFP. La victime était donc un jeune squatteur, un rebelle qui, poursuivait l’AFP, « d’après la mairie, fait partie du mouvement autonome. » Tout s’expliquait ! Sauf que Joachim a 34 ans, il est réalisateur et petit-fils du dramaturge Armand Gatti. Une autre source « concordante », la préfecture, disait avoir « bien eu connaissance qu’un jeune homme a perdu son œil, mais pour le moment il n’y a pas de lien établi de manière certaine entre la perte de l’œil et le tir de Flash-Ball ».

Outré par cette désinformation, Stéphane Gatti, le père de Joachim, a diffusé une lettre ouverte décrivant les circonstances réelles de l’accident. Pas d’affrontement ni de tentative de réoccupation, mais « une gigantesque bouffe dans la rue piétonne de Montreuil » , organisée par les résidents et les militants solidaires du squat. Et des policiers de la BAC, planqués dans des voitures, qui sont intervenus sans sommations.
La famille Gatti n’en est pas restée là. Elle a déposé plainte, et le parquet de Bobigny a ouvert une information judiciaire contre X pour « violences ayant entraîné mutilation et infirmité permanente sur l’une des victimes et pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique ».

L’Inspection générale des services (IGS) a enquêté et remis son rapport au juge. Ses conclusions sont claires : « Il y a eu un non-respect des consignes d’utilisation du Flash-Ball. Certains policiers n’ont pas respecté les règles » . Des règles qui ont pourtant été rappelées en mai par une circulaire de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), inquiète de la multiplication des victimes de cette arme dite « à létalité atténuée »  : distance minimale de sept mètres, interdiction de viser « au niveau du visage ou de la tête » et usage « proportionné » aux faits et lié à la légitime défense.

Pour Fabien Jobard, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), « le cas de Montreuil est un effet collatéral des évolutions de la police depuis les années 1990. On dote la police quotidienne d’un matériel propre au maintien de l’ordre avec un rudiment de doctrine. On croise les doigts en se disant que la greffe prendra. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des agents de la BAC équipés d’armes dont on oublie qu’elles peuvent devenir létales lorsque leur usage n’est pas encadré ».

Une pétition à l’initiative de Stéphane Gatti demande l’interdiction de ces armes. Pour les sanctions, il faudra attendre, car l’instruction n’en serait qu’à «  essayer d’identifier » l’auteur du tir. Seul le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de Seine-Saint-Denis, Jean-François Herdhuin, a été muté… à l’IGS.

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