Tout dans l’athlète

Lors des championnats du monde d’athlétisme, le service public s’est montré une nouvelle fois dépourvu de sens critique face aux performances.

Jean-Claude Renard  • 27 août 2009 abonné·es

On prend les mêmes et on recommence. Air connu. Qui vaut pour la télévision. En juillet, le Tour de France avait donné le ton de l’hypocrisie. Pas de coureur épinglé pour dopage. De quoi estimer la course « enfin propre » quand, réellement, elle est à lire comme un tour d’avance pour le dopage. L’argent investi par France Télévisions (12 millions d’euros) suffit à faire taire toute remarque désobligeante. Toujours sur le service public, autour de Bernard Montel et de Nelson Monfort, les championnats du monde d’athlétisme ont été l’occasion d’une nouvelle salve d’enthousiasme béni oui-oui.

C’est d’abord l’utilisation de l’hyperbole qui caractérise les deux journalistes. Curieux besoin de faire des phrases. Pour un pas grand-chose et un presque rien. Bob Tahri termine (seulement) troisième d’un 3 000 steeple, ils restent « sous le choc » . Usain Bolt est à l’entraînement, avant sa demi-finale du 200 mètres, « la légende est en marche » . Ni plus, ni moins. Une modeste demi-finale de 5 000 mètres a droit à « une course qu’on n’est pas près d’oublier » , simplement parce qu’un coureur kenyan a perdu sa chaussure dans les premiers hectomètres. Au 400 mètres haies féminin, Melanie Walker « est en jour de grâce » . Dans la dramaturgie du saut en hauteur, face à Ariane Friedrich, dont 2,06 mètres est « le saut de sa vie » (du haut de ses 25 ans), Montel ne parie pas un fifrelin sur Blanka Vlasic. Balle peau, l’athlète croate franchit la barre de 2,02 mètres et emporte le titre.

La période estivale est à la rediffusion, des documentaires, des séries, des feuilletons. Idem pour les commentaires des retransmissions sportives, pourtant en direct, pourtant enrichies de précédents. D’une compétition à l’autre, les commentaires restent les mêmes sur des sportifs habillés de panneaux publicitaires (TDK en tête). Peu importe les années, il suffit de changer les noms des athlètes. Les propos demeurent identiques. Sans remise en question, tandis qu’entre deux compétitions de haut niveau beaucoup d’athlètes ont été convaincus de dopage. Un mot d’ordre : le sport est propre, noble. Foin de poches de sang, d’EPO, d’hormones de croissance, d’interrogations sur les performances. Le doute, justement, a droit au différé. Il tombera quelques mois après le direct. Pour pas gâcher la fête. Mais il faut croire que sport et télévision font bon ménage. En tout cas, les audiences sont toujours élevées : une moyenne de trois millions de téléspectateurs pour ce dernier exercice.

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