La palme du mépris

La Colombie s’est lancée dans la production massive d’huile de palme et d’éthanol pour l’exportation, lésant des communautés indigènes, afro-colombiennes et paysannes. Un reportage de Patrick Piro.

Patrick Piro  • 10 septembre 2009 abonné·es
La palme du mépris

Les tympans martyrisés par les hélices, des courants d’air passant par le trou des rivets manquants, une montagne de fret qui écrase la banquette de toile contre la carlingue… Cumaribo est loin, très loin de la capitale : c’était l’antique DC-3 au départ de Villavicencio, ou bien affronter deux jours et demi de pistes inondées.

Cumaribo, 1 500 âmes pour le petit bourg, mais commune la plus étendue de Colombie : son immense territoire de 72 000 km2 (15 % de la France…) occupe les trois quarts du non moins vaste département du Vichada. Ce sont les llanos , savanes infinies étirées du piémont de la cordillère orientale jusqu’à l’Orénoque, frontière avec le Venezuela. Une terre chaude et aride mais fréquemment inondée à la saison des pluies, aux sols acides, où domine une végétation herbacée – les trachypogons. Ici, bientôt, palmiers à huile, pins caraïbes, hévéas à perte de vue ? Puits de pétrole, routes, « développement rural » ? En 2004, le ministre de l’Agriculture dévoilait le Mégaprojet Gaviotas 2 « pour la renaissance de la région Orénoque »  : 6,3 millions d’hectares de plantations, principalement des palmiers à huile, adaptés à ce milieu. Dans le sillage, sortiraient de terre cinq villes nouvelles… Aujourd’hui, le Vichada compte environ 90 000 habitants. Une population éparpillée mais en croissance rapide ces dernières années, avec l’arrivée de « colons » attirés par les grands espaces – les « Blancs », comme les désignent les indigènes. Membres d’une dizaine de groupes (Achaguas, Amoruá, Kuiva, Kubeo, Kurripaco, Piapoco, Piaroa, Puinave, Saliva, Sikuani), ces derniers sont largement majoritaires – jusqu’à 90 % de la population dans la commune de Cumaribo [^2]. Dans leurs resguardos , territoires qui leur ont été légalement attribués, ils vivent de pêche, de chasse et de la culture de petits lopins de manioc, maïs, bananes, etc., dans les forêts-galeries bordant les cours d’eau, rares bandes de terre suffisamment riches en humus.

Gaviotas 2 est sans équivalent sur le continent : le fer de lance d’un gouvernement qui entend faire du pays un producteur majeur d’agrocarburants pour le marché mondial. Un

Envie de terminer cet article ? Nous vous l’offrons !

Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :

Vous préférez nous soutenir directement ?
Déjà abonné ?
(mot de passe oublié ?)
Écologie
Temps de lecture : 12 minutes

Pour aller plus loin…

Une quinzaine de militants écolos arrêtés partout en France
Répression 6 juin 2023

Une quinzaine de militants écolos arrêtés partout en France

Ce 5 juin à l’aube, une quinzaine de militants écologistes ont été arrêtés dans huit communes françaises. Cette action policière coordonnée vise des activistes accusés d’avoir participé à une action, en décembre dernier, dans une usine Lafarge des Bouches-du-Rhône. Les Soulèvements de la terre appellent à les soutenir.
Par Nadia Sweeny
À Soissons, la laine de roche de la discorde
Reportage 2 juin 2023

À Soissons, la laine de roche de la discorde

L’industriel  Rockwool tente d’implanter une fabrique de laine de roche à proximité de Soissons depuis des années. Une fronde citoyenne prend de l’ampleur contre ce projet jugé toxique pour la santé et l’environnement.
Par Vanina Delmas
Pesticides : le grand détricotage
Environnement 31 mai 2023 abonné·es

Pesticides : le grand détricotage

La France s’est engagée à réduire de moitié son utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2025. Mais chaque tentative de réglementation du secteur, au niveau national aussi bien qu’européen, se solde par un échec.
Par Rose-Amélie Bécel
« La relance du nucléaire est une fuite en avant vertigineuse »
Entretien 31 mai 2023 libéré

« La relance du nucléaire est une fuite en avant vertigineuse »

C’est une offensive sans précédent que mènent depuis des mois l’industrie nucléaire française et ses appuis politiques pour tenter de redonner à la filière sa splendeur passée. Dernier épisode : la loi de relance du nucléaire. Yves Marignac, porte-parole de l’institut négaWatt, dénonce un enthousiasme hors-sol.
Par Patrick Piro