La politique de la terre brûlée

Le gouvernement promet des « états généraux de l’industrie » et s’agite autour
de l’affaire Molex, mais se montre impuissant face aux méthodes du groupe américain.

Thierry Brun  • 10 septembre 2009 abonné·es

Le cas des Molex de Villemur-sur-Tarn est emblématique des restructurations répondant à des logiques financières, comme chez Caterpillar, SBFM et tant d’autres. Alors que Nicolas Sarkozy a annoncé qu’il réunirait « avant la fin de l’année » des « états généraux de l’industrie » , les décisions prises aux États-Unis par l’équipementier automobile Molex font fi des conséquences industrielles et sociales de la fermeture d’une usine en Haute-Garonne. Et rien n’empêche ce groupe de piétiner le droit du travail.

L’agitation gouvernementale et élyséenne autour de cette affaire peut paraître bien vaine et rappelle d’autres dossiers. Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, a réaffirmé sa détermination « au maintien d’une activité industrielle sur le site de Villemur-sur-Tarn » … Tout en menaçant de fermer le robinet des commandes. Intraitables, les dirigeants de Molex n’ont pas bougé d’un iota. Le groupe maintient la fermeture de son site, pourtant viable, et empêche ainsi la continuité d’une activité, y compris par un éventuel repreneur. Ce n’est pas seulement la fermeture d’une usine, c’est la politique de la terre brûlée pour que rien ne repousse ensuite… Le groupe est coutumier du fait. Il a ainsi racheté Cinch, une filiale de la Snecma, pour s’emparer des brevets, des capacités de recherche et du marché. Il ne fait aujourd’hui que récidiver. Avant la fermeture programmée du site, la direction de Molex a cloné l’usine de Villemur au Nebraska, où elle assure exactement la même production. C’est à la suite de cette découverte qu’en avril 2008 les salariés en grève ont séquestré deux dirigeants. Dans le même temps, ils ont aussi appris que leur direction prépare depuis trois ans la fermeture de la production en France, fixée pour le mois d’octobre.

« Cette situation soulève d’autant plus d’indignation que, parallèlement, le tribunal de Compiègne condamne six salariés de l’usine Continental de Clairvoix à de lourdes peines de prison avec sursis » , a déclaré Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, qui est retourné sur le site de Villemur avant un comité d’entreprise qui promet d’être houleux. Les 14 et 15 septembre, les salariés prendront en effet connaissance du rapport d’expertise de Syndex, mandaté par les syndicats, sur la viabilité de l’usine.
Dans des économies financiarisées, des groupes comme Molex sont à la recherche de profit, loin des politiques industrielles qui semblent désormais intéresser Nicolas Sarkozy, dont l’impuissance dans cette affaire est manifeste. Ainsi, avouait le Medef, 70 000 entreprises sont menacées de disparition d’ici à la fin de l’année. Et les chiffres du chômage grimpent (près de 4 millions de demandeurs d’emploi si l’on recense les bénéficiaires d’allocations de solidarité, de formation ou de reclassement). Les restructurations, délocalisations et fermetures n’ont pas comme seule source la baisse des carnets de commandes due à la crise. Les bons résultats du CAC 40, avec 21 milliards d’euros de bénéfice au premier semestre, en apportent la preuve.

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