Le « pôle de radicalité »

Les Communistes unitaires plaident dans et hors du parti pour le regroupement d’une gauche antilibérale.

Denis Sieffert  • 10 septembre 2009 abonné·es

Ils ont déjà une longue histoire. Héritiers lointains des Refondateurs [^2] de 1989 – dont les chefs de file étaient Charles Fiterman, Anicet Le Pors et Guy Hermier –, les Communistes unitaires ont connu plusieurs métamorphoses depuis le début de la décennie 2000. Les Refondateurs de l’époque ont peu à peu reçu le renfort de la plupart des courants critiques du PC, dont des personnalités comme Pierre Zarka, ancien directeur de l’Humanité et transfuge de l’orthodoxie. Autour de l’historien Roger Martelli, à l’époque directeur de la revue Futurs, de députés comme Patrick Braouezec et François Asensi, des personnalités comme Catherine Tricot et Gilles Alfonsi, un « pôle de radicalité » s’est peu à peu constitué pour plaider en faveur d’États généraux du communisme. Partisans d’une remise à plat de tous les « fondamentaux » du parti communiste, y compris de la forme parti, ils ont rapidement fait le choix de privilégier des alliances avec la gauche de la gauche. Leur stratégie est articulée à la fois à l’intérieur du PC (le « pôle de radicalité »), et à l’extérieur avec la gauche antilibérale. Cette double stratégie (leurs détracteurs parlent de « double jeu ») ne manque pas, évidemment, d’irriter la direction. Ils ont été notamment à l’initiative de l’appel Ramulaud, en 2003, œuvrant pour un regroupement des forces situées à la gauche du PS. Gauche socialiste de Jean-Luc Mélenchon comprise. Tout naturellement, ces « unitaires » se sont retrouvés en pointe dans la campagne pour le « non » au traité européen, en 2005, puis dans la bataille pour une candidature unique de la gauche antilibérale, en 2007.

C’est à cette occasion qu’ils ont formalisé leur association. Aujourd’hui, l’Association des communistes unitaires (ACU) compte plusieurs centaines d’adhérents, pour la plupart toujours membres du Parti et revendiquant une double appartenance. Une conception plutôt « révolutionnaire » dans la tradition communiste. Elle édite un hebdomadaire électronique, Cerises. L’ACU a milité très activement en faveur de la création d’une Fédération pour une alternative sociale et écologiste, où ses membres cohabitent avec les Alternatifs (eux-mêmes héritiers du PSU) et les Collectifs unitaires antilibéraux (Cual) issus de la campagne pour la candidature Bové à la présidentielle de 2007. La principale caractéristique de cette fédération est d’avoir vocation à se dépasser, et même, à terme, à s’autodétruire. Un moyen plus qu’une fin en quelque sorte.

Les communistes unitaires redoutent la fossilisation des vieilles formes d’organisation par une structuration prématurée de pôles séparés de la gauche. Chacun avec sa culture et sa conception de l’organisation. À l’inverse, ils plaident pour des formes souples capables d’accueillir des cultures politiques différentes. La question de la convergence entre le social et l’écologie est pour eux une priorité. Aujourd’hui, eux aussi se trouvent à la croisée des chemins, quoique face à une problématique différente de celle de la direction du parti : faut-il ou non investir le Front de gauche créé par Jean-Luc Mélenchon et le PCF, et rejoint par la Gauche unitaire de Christian Piquet, transfuge de la LCR ? Une question à double sens. Car l’entrée de la Fédération au sein du Front de gauche crée aussi des obligations du côté du PG et du PCF. Celle d’une légitimation de la Fédération, c’est-à-dire notamment de la reconnaissance par la direction du Parti de ces « trublions » de Communistes unitaires, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du parti. Interrogé par Politis en novembre 2008 (voir n° 1028), l’un des principaux animateurs des Communistes unitaires, Gilles Alfonsi, répondait : « Pour nous, cette fédération peut être une première étape, un regroupement partiel. » Mais il ajoutait : « Si dans les prochains mois se profilait un cadre plus large pour faire force politique ensemble, nous en serions partie prenante. » Et il concluait : « Enfin, nous pensons que l’existence d’une sensibilité communiste dans cet espace peut être utile au mouvement tout entier. »

Avec le Front de gauche, dont le score aux élections européennes a été plus qu’honorable, le cas de figure envisagé par Gilles Alfonsi est à peu près réalisé. Le cadre « plus large, pour faire politique ensemble » existe peut-être. Mais est-il vraiment « plus large » ? Est-il prêt, ce Front de gauche, à accueillir des cultures politiques très différentes de ses fondateurs ? De la réponse à cette question, dépend une partie de l’avenir de la gauche antilibérale.

[^2]: « Refondateurs » qu’il ne faut pas confondre avec les « Rénovateurs », proches de Pierre Juquin, en 1988, et les « Reconstructeurs » de Claude Poperen, Félix Damette et Marcel Rigout.

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