Marées vertes : fermer le robinet à nitrates !

Bernard Rousseau  • 17 septembre 2009 abonné·es

Il aura fallu qu’un cheval trouve la mort fin juillet, empoisonné par les émanations d’algues vertes en décomposition, pour que le gouvernement semble s’émouvoir de l’ampleur du phénomène des marées vertes sur les côtes bretonnes. Et, début septembre, on apprenait qu’un ouvrier chargé du déblayage des algues était décédé brutalement, à la même période, peut-être en raison de son exposition à leurs émanations.
Ces marées vertes ne sont qu’un aspect du phénomène d’eutrophisation des eaux, qui se manifeste par le développement de très grandes quantités de végétaux. En mer, ce sont principalement les ulves qui forment les marées vertes, mais aussi les algues phytoplanctoniques, dont certaines sont toxiques et ruinent la conchyliculture. Dans les eaux douces, prolifèrent certaines variétés de phytoplancton ou de végétaux enracinés, la compétition tournant souvent à l’avantage des algues, dont certaines sont toxiques, comme les algues bleues.
À l’origine de ces explosions végétales : les nitrates et les phosphates, éléments nutritifs en excès. Le ministère de l’Agriculture avait calculé que l’excédent de nitrates, rejeté en mer, représentait plus de 700 000 tonnes d’azote par an ! L’agriculture y contribue aux trois quarts… En Bretagne, les déjections animales sont la source principale de cette pollution: 55 % de la production de porcs y est concentrée sur 6 % de territoire national !

Et pourtant… Il y a trente ans déjà, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne se rendait aux Pays-Bas et au Danemark pour apprendre comment élever proprement des cochons. Pour quels résultats ? Les plans et dispositifs se sont succédé en vain : le Programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA) de 1993 – financé à 70 % par l’argent public, et imposé aux agences de l’eau ! –, puis le PMPOA 2, les programmes « Bretagne eau pure » 1, 2, etc. Bien souvent, de véritables usines à gaz, et pratiquement sans résultats, sous la pression de l’augmentation des effectifs de porcs, de volailles, de bovins : une situation dénoncée en permanence par les associations, la Cour des comptes, la presse, etc.
Dès 1992, conséquence de la « directive nitrates », sont délimitées les « zones vulnérables » à la pollution par les nitrates d’origine agricole : celles qui alimentent en eau des nappes souterraines où les rivières présentent des teneurs en nitrates très élevées (proches ou supérieures à 50 mg/l). Depuis, nous en sommes à la quatrième révision de ces zones, qui représentent aujourd’hui plus de la moitié du territoire national. En Loire-Bretagne, leur surface est passée de 52 % à 54 % – une mesure édifiante de l’efficacité des politiques de lutte contre la pollution agricole !

Dernière tentative avant faillite : l’entrée « en vigueur » en 2010, pour le compte de la directive-cadre sur l’eau (DCE), de dispositions vraiment bien peu contraignantes pour réduire les nitrates…
Alors, le Premier ministre s’est déplacé en Bretagne, après la mort du cheval, pour annoncer que l’État allait financer le ramassage des algues là où elles présentent un risque pour la santé. Ce que faisaient déjà les communes : bel effort ! Et là où il n’y a pas de risque avéré, que fera-t-on ? On attendra quelques années que la couche d’algues soit plus épaisse !
Le curatif, il en faut certes, mais la solution au problème des algues passe par la réduction drastique des émissions de nitrates à la source. Si l’on en croit Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’Environnement, « L’État assume pleinement ses responsabilités maintenant. » Un espoir ?
Mais que fera-t-il de plus qu’auparavant ? Du passé faire table rase, avec des millions de cochons et d’animaux installés, et l’utilisation intensive d’engrais ? Il s’agit bien d’affronter les retombées de cinquante années d’une politique agricole maximaliste. On souhaite bien du plaisir à la future commission interministérielle de lutte contre la prolifération des algues vertes, à patauger dans les algues et le lisier bretons.

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