Trouble jeu français

Paris pousse dangereusement au crime, alors que les États-Unis font encore le pari du dialogue.

Denis Sieffert  • 17 septembre 2009 abonné·es

Une rencontre entre les responsables iraniens et les grandes puissances doit avoir lieu le 1er octobre, vraisemblablement en Turquie. À l’ordre du jour, évidemment, le dossier nucléaire. Devraient y participer Javier Solana, pour l’Union européenne, et Saïd Jalili, négociateur de l’Iran. Mais aussi des représentants des États-Unis, de Russie, de Chine, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et de France. Interrogé sur la possibilité de sanction au cas où l’Iran refuserait toujours de soumettre son programme nucléaire à une supervision internationale, M. Solana a répondu que les grandes puissances n’avaient pas abandonné leur stratégie de « double approche ».

L’expression est particulièrement édifiante. « Double approche » signifie évidemment que les grandes puissances proposent « d’aider » l’Iran à se doter sous contrôle international d’une énergie nucléaire civile, tout en menaçant Téhéran de nouvelles sanctions en cas de refus de supervision internationale. La classique politique de la carotte et du bâton. Ce qui est étonnant dans cette affaire, c’est que c’est la France qui incarne le plus « le bâton », alors que les États-Unis de Barack Obama privilégient nettement l’hypothèse du dialogue. Cela fait aussi partie de la « double approche », mais qui reflète sans aucun doute une divergence réelle.

Le ministre français des Affaires étrangères voudrait torpiller la rencontre du 1er octobre qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Il multiplie en effet les déclarations pour faire savoir que la France « n’attend pas grand-chose » de ce rendez-vous. De son côté, Pierre Lellouche, secrétaire d’État aux Affaires européennes, en rajoute en affirmant : « On ne peut pas rester dans cette situation très longtemps, il faut probablement mettre la pression sur les Iraniens. » D’ores et déjà, a-t-il déclaré, la situation du nucléaire en Iran est « inquiétante pour la stabilité » . En toile de fond de cette « double approche » entre la France et les États-Unis, il y a la position d’Israël.

Sans doute pour créer un autre abcès de fixation au moment où un début de pression s’exerce sur lui à propos de la colonisation, Israël plaide pour une option militaire. Une option extrêmement dangereuse, y compris pour l’économie mondiale, dans une région à très forte densité pétrolière. La divergence entre Benyamin Netanyahou, qui pousse au conflit ouvert, et Barack Obama, partisan du dialogue, est aujourd’hui patente. Pour Israël, l’enjeu est de rester la seule puissance nucléaire de la région. La France de MM. Kouchner et Lellouche semble coller aux intérêts israéliens. La semaine dernière déjà, Bernard Kouchner avait fait chorus avec Israël pour accuser le directeur de l’Agence internationale à l’énergie atomique, Mohammed el-Baradei, de dissimuler des documents prouvant l’engagement de l’Iran dans la voie du nucléaire militaire. Celui-ci s’était déclaré « consterné ». L’histoire ne dit pas si la stabilité que souhaite Pierre Lellouche est celle qui permet à Israël de poursuivre la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Ni quelle gigantesque instabilité résulterait d’une guerre contre l’Iran…

Monde
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