Dette publique : quelle réponse ?

Christophe Ramaux  • 29 octobre 2009 abonné·es

En France, la dette publique est de l’ordre de 1 500 milliards d’euros, avec 80 % pour l’État, les collectivités locales et la Sécurité sociale pesant chacune 10 %.
Comment appréhender cette dette ? Essai de réponse en onze points.

Il faut la relativiser. 1/La dette publique française n’a rien d’exceptionnel. À 77,1 % du PIB fin 2009, elle est dans la moyenne de la zone euro (77,7 %) et inférieure à celle des États-Unis (84 %) ou du Japon (200 % prévus pour 2010). 2/Les libéraux clament qu’elle représente 22 000 euros par personne. Ils omettent qu’elle a pour contrepartie des obligations détenues par certains. On ne lègue pas une dette aux « générations futures » : les enfants de salariés risquent, en revanche, ce qui est effectivement problématique, de devoir payer aux enfants de rentiers. 3/La dette « brute » évoquée ici ne prend pas en compte les actifs publics (routes, écoles, etc.). Avec eux, le solde (la « valeur nette ») est largement positif : près de 600 milliards d’euros en 2008 (30 % du PIB), soit un legs (sans parler du « non-monétaire » : connaissance, espérance de vie…) de 9 000 euros par personne (20 000 euros si on ajoute le patrimoine « privé »). 4/On parle toujours du « trou du public », mais pas de celui du privé. La dette privée des ménages et des entreprises (sans parler des institutions financières), qui vient d’exploser, est pourtant plus élevée : de l’ordre (en 2008) de 120 % en France, ce qui est faible (175 % aux États-Unis, environ 200 % en Espagne et au Royaume-Uni).

Il faut ensuite saisir la dynamique de la dette. 5/La dette publique était de 25 % du PIB en 1982. Elle a plus que triplé depuis. Les libéraux pointent l’excès des dépenses comme si l’austérité budgétaire n’avait pas prévalu. Le « solde budgétaire » dépend en fait principalement des recettes. L’optique keynésienne est ici précieuse : en cas de décroissance, on a du chômage, mais aussi une dégradation des comptes publics, à la fois parce que des dépenses augmentent (prestations chômage, etc.), mais surtout parce que les recettes fiscales chutent. Le déficit public est passé de 3,4 % en 2008 à 8,2 % du PIB en 2009. Cela ne s’explique pas par la « relance » Sarkozy, l’une des plus piteuses au monde, mais par la chute des rentrées fiscales. La dette publique a bondi de 20 points de PIB avec la récession du début des années 1990 (de 36 % en 1991 à 58 % en 1996). Entre 1997 et 2001, avec la croissance et les créations d’emplois, elle avait baissé de 2,4 points de PIB. 6/La focalisation sur la dette du public et non du privé renvoie au discours libéral selon lequel le public est improductif et « pèse » sur le privé. Si on considère qu’il crée de la richesse monétaire (ce qui est le cas), il est clair que le déficit public n’est pas en soi un mal : il peut soutenir et lancer des activités. 7/Il importe finalement de distinguer deux types de déficits. Les déficits expansionnistes : les dépenses publiques soutiennent la croissance, ce qui permet un surcroît de recettes (l’État « gagne ce qu’il dépense » : c’est l’« effet cagnotte »). Les déficits récessifs : les politiques libérales (dont l’austérité budgétaire) plombent l’activité, ce qui creuse les déficits par défaut de recettes.

Restent trois points. 8/La dette publique s’est aussi creusée en raison des cadeaux fiscaux aux riches, lesquels ont fait d’une pierre deux coups : ils payent moins d’impôts, ce qui oblige l’État à emprunter auprès d’eux. 9/Les politiques monétaires sont également responsables : taux d’intérêt réels élevés (au début des années 1990 surtout, et peut-être demain), interdiction (inscrite dans les traités européens) de « monétiser » la dette publique, etc. 10/Au final, la dette publique, à l’instar de celle du privé, a été un levier de la financiarisation. C’est le grand retour des rentiers. 11/La solution coule de source. Il faut rompre avec les politiques libérales à tous les niveaux, ce qui passe par la fiscalité progressive et par une relance budgétaire, ciblée pour certains besoins : l’éducation, la santé, mais aussi l’écologie (transports collectifs, fret ferroviaire, énergies renouvelables, rénovation thermique des bâtiments, etc.), qui exige bien plus que le leurre-arnaque de la taxe carbone.

À lire : Vive la dette, Marc Bousseyrol, éditions Magnier, 2009.

Temps de lecture : 4 minutes