Deux fichiers pour le prix d’un. Exit Edwige place au fichier des bandes et au fichier des Interdits. La CNIL s’est docilement couchée

Claude-Marie Vadrot  • 19 octobre 2009
Partager :

En bandes ou isolés, les Français vont être surveillés par deux nouveaux fichiers qui pourront évidemment être croisés et exploités non seulement par la police et la justice mais par des organismes, des administrations et des entreprises travaillant dans des « domaines sensibles ». Manque évidemment la définition de ce qu’est un « domaine sensible ». Tout comme n’est pas définie la notion de « bande ». Cela reste à la libre imagination et aux besoins du pouvoir. C’est bien sur ce qui fait le charme de ces deux nouveaux fichiers dont on remarquera évidemment qu’ils n’ont pas été créés à la suite d’une consultation des parlementaires et que, miraculeusement, ils ont surgi dans l’espace politique quelques jours après les graves incidents de Poitiers où, pourtant, il n’a pas été repéré la moindre bande. A moins que la « bande » cela soit tout simplement, désormais, une manifestation. Mais la bande, cela peut-être aussi des copains que je convoque pour une réflexion ou une réunion, ou encore une association qui n’est pas en amitié avec le pouvoir ou l’UMP. Dans le cas ou cette association, d’écologistes ou de naturalistes par exemple, décide de s’opposer à une projet autoroutier, à une installation industrielle, à des plantations de maïs OGM ou à une centrale nucléaire (et j’en passe), elle risquera la double peine : la « bande » organisée et le « domaine sensible ». Lequel sera certainement complété dans quelques mois par une loi du ministère de la Défense sur la protection des « intérêts vitaux » du pays.

Dans le fichier des « bandes » pourront figurer les adolescents à partir de 13 ans. Pour l’autre, sursis jusqu’à 16 ans. On respire. Quand je pense aux bandes du 3 ° arrondissement, à celles des anciennes fortifications et à celles de Fontenay sous Bois auxquelles j’ai appartenu, je frissonne rétrospectivement. Et je laisse à l’imagination du lecteur, le nombre de « bandes » auxquelles ils appartiennent déjà. De quoi débander…

Dans le second Opus du ministre de l’Intérieur, celui qui va répertorier les femmes et les hommes à écarter des emplois ou des domaines « sensibles » (quelle merveille que les nouveaux vocabulaires de la sécurité !) il n’est plus question, comme dans le défunt Edwige, de répertorier les origines ethniques. Juste les « origines géographiques » : je pense que cela vous rassure tous, vous qui êtes nés ou qui avec des parents en Italie, en Afghanistan, au Mali, au Maroc, en Pologne, en Russie, en Moldavie, en Roumanie, en Algérie, en Egypte, en Irak et dans tous ces foutus pays qui ne font pas vraiment des bons français, des bons titulaires de « l’identité nationale ». Le ministère et tous les organismes et industriels pourront donc trier le bon grain (français) de l’ivraie (étrangère). Ce qui permettra de donner une base pseudo-légale aux interdictions professionnelles qui se construisaient jusqu’à présent par l’intermédiaire de STIC et Judex, le fichier de la police et le fichier de la gendarmerie, dont tout le monde dit, à commencer par la Commission Nationale Informatique et libertés, qu’ils sont truffés d’erreurs. Une Commission qui, sous peine d’être définitivement désarmée soit transformée a du se coucher devant le pouvoir.

D’après le même décret, contrairement à ce qui était prévue dans Edwige, il n’est pas prévu de faire figurer les orientations sexuelles, les idées politiques, les activités de contestations (écologiques ou sociétales). On respire. Puis on lit : sauf dérogation…

Ah bon…

Quel va être le statut de la « bande » du quartier d’affaires de la Défense et de son fuur chef, au fait ?

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don