Deuxième couplet pour Hadopi

Christine Tréguier  • 8 octobre 2009 abonné·es

Hadopi, c’est pas fini ! Dès la rentrée parlementaire, sénateurs et députés ont remis l’ouvrage sur le métier et procédé au vote solennel d’Hadopi 2, une loi pénale complétant la loi Création et Internet. Rappelons que celle-ci instaure une autorité administrative,
l’Hadopi, chargée de sanctionner le téléchargement illégal par la coupure, après des avertissements, de l’accès Internet. Saisi en mai, le Conseil constitutionnel avait conclu qu’Internet est un outil essentiel
« pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions » et que la Constitution n’autorise pas les autorités non judiciaires comme l’Hadopi à se substituer au juge pour en priver les abonnés suspectés de piratage. Pour contourner l’obstacle, le gouvernement avait dû pondre une loi complémentaire donnant mission
à l’Hadopi de constater les infractions et de transmettre au juge selon la procédure expresse d’ordonnance pénale.

Mais, cette fois encore, les parlementaires de gauche ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Le principal de la charge
vise le choix d’un jugement par ordonnance. Il ne s’agit là, affirment les auteurs de la saisine, que d’«  un habillage commode pour contourner votre décision du 10 juin 2009 et [qui] ne saurait donc tromper votre vigilance ». Pour eux, ce dispositif est « manifestement incompatible avec le droit
à un procès équitable protégé par notre Constitution et par de nombreuses conventions européennes et internationales ».

La procédure pénale simplifiée n’inclut pas d’audience du prévenu, et son audition n’est que facultative lors de la phase d’instruction par l’Hadopi. La loi autorise également les ayants droit
à formuler des demandes de dommages et intérêts, lesquelles ne peuvent être discutées lors d’une ordonnance pénale et sont théoriquement exclues de ces procédures.

De plus, le juge devra choisir entre délit de contrefaçon et « négligence caractérisée ».
Cette nouvelle infraction, passible elle aussi de coupure d’accès, vise les internautes dont l’accès aurait été utilisé par des tiers, faute d’avoir été protégé par un logiciel de sécurisation. Lequel logiciel n’est à ce jour pas connu. « Le fait de sanctionner une “négligence caractérisée” – notion dont le flou est au demeurant peu compatible avec
le principe de légalité des délits et des peines –
par une mesure portant une atteinte grave à une liberté fondamentale – la coupure de l’accès à Internet »
 – est selon les auteurs « une disproportion manifeste ». D’autant que les éléments à charge fournis par l’Hadopi se limitent aux faits « susceptibles » de constituer l’infraction. Autant dire à une présomption de culpabilité.

La saisine relève également le caractère inégalitaire de la coupure d’accès. L’autorité de régulation des télécoms (Arcep) a en effet précisé que, « dans les zones non dégroupées, il se peut que, dans certains cas,
il soit difficile techniquement de maintenir au profit de l’abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l’accès à Internet est coupé ».
Cette impossibilité technique concernerait 2,5 à 3 millions de foyers, qui échapperaient de fait à la sanction.

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