Un, deux, trois… Edvige !

Christine Tréguier  • 29 octobre 2009 abonné·es

Un an après la très importante mobilisation contre le fichier de police Edvige (pour Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale), le ministère de l’Intérieur remet le couvert. Brice Hortefeux a même choisi son jour, celui de la Sainte-Edwige, pour signer deux décrets, en attente depuis mars dernier, instaurant les deux nouveaux fichiers placés sous la responsabilité de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP, ex-Renseignements généraux). Les finalités ont été clairement séparées – un fichier pour les enquêtes administratives, un autre
pour les personnes « dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique »  –, et les préférences sexuelles et les données de santé ont disparu.

Insuffisant pour les associations membres du collectif Non à Edvige,
qui annoncent déjà des recours contre « Edvige 3 ». Le mécontentement
tient d’abord à la méthode. «  Hortefeux fait un pied de nez à tout le monde avec la Sainte-Edwige et en faisant croire qu’il s’agit d’une réaction aux événements de Poitiers » [^2], estime Jean-Louis Borie, président du Syndicat des avocats de France (SAF). Plus grave, le gouvernement occulte totalement une proposition de loi adoptée en juin par la Commission des lois de l’Assemblée. Toute nouvelle création de fichier de police aurait dû être soumise au Parlement, mais le projet est opportunément resté dans un tiroir.

Au chapitre des données conservées, de nombreux points noirs subsistent. Fichage des mineurs
(dès 13 ans) « susceptibles d’être impliqués dans
des actions de violence collectives »
, voire d’entretenir « des relations directes et non fortuites » avec un suspect. Fichage des « activités publiques », dont on ignore ce qu’elles recouvrent. Fichage de données sensibles, interdites de collecte par la loi Informatique et libertés, mais pourvues, pour les besoins de la DCSP, d’une dérogation. Pour les personnes soumises à enquêtes administratives, sera pris en compte le « comportement lié à une motivation politique, religieuse, philosophique ou syndicale » . Le fichier des perturbateurs de la sécurité publique enregistrera, lui, les « activités » de même type. On est donc à peu près sûr d’y trouver, outre les néonazis, les hooligans et les mouvances flirtant avec le terrorisme, les mômes des cités, les anarcho-autonomes, mais aussi les barbouilleurs d’affiches publicitaires, les arracheurs d’OGM, les producteurs de lait-agriculteurs-pêcheurs-routiers en colère, les syndicalistes-un-peu-trop-vénères, les précaires-squatteurs, les droitsdelhommistes en pétard, et j’en passe.

Dérogation aussi pour le fichage de l’« origine géographique »,
un autre concept juridique nouveau qui correspondrait, aux dires
du ministère, « au lieu de résidence ou à une origine commune en France
ou à l’étranger ».
Pour les associations, il ne s’agit là que de contourner l’interdiction de collecter des données ethniques.
SOS Racisme, qui vient de gagner son procès en appel contre les RG, qui avaient, dans un rapport de 2005 sur les « meneurs de bande » des quartiers dits sensibles, utilisé des mentions de type « origine maghrébine », « origine africaine », annonce avoir déjà déposé un recours devant le Conseil d’État contre ce fichier.

[^2]: Où des violences ont eu lieu le 10 octobre lors d’une manifestation anticarcérale.

Temps de lecture : 3 minutes