Une charité très bien ordonnée

Un arsenal législatif a été mis en place pour faciliter les dons aux fondations. Fiscalement incitatif, il favorise l’arrivée de fonds privés vers des missions d’intérêt général, comme la santé.

Thierry Brun  • 29 octobre 2009 abonné·es

Un aspect du « paquet fiscal », pilier de la loi Tepa (Travail, emploi et pouvoir d’achat) adoptée en 2007, est peu évoqué dans les débats politiques. Présenté comme une « révolution fiscale » par François Fillon, il contient un dispositif très avantageux promu par la plupart des fondations : la possibilité pour les assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de déduire 75 % du montant de leurs dons de leur impôt. Moins critiqué que le bouclier fiscal, cet avantage a contribué à creuser le déficit public : il représente 700 millions d’euros de manque à gagner, dont 65 millions pour les dons aux organismes tels que les fondations. Cette loi a aussi franchi un pas en incitant les contribuables fortunés à orienter leurs dons en direction des établissements publics et privés de recherche, et des entreprises.

Le paquet fiscal est un des instruments récemment créés pour accélérer l’émergence d’un capitalisme philanthropique à l’anglo-saxonne et accompagnant la financiarisation de l’économie. Il complète notamment une législation née en 2003 pour les dons des entreprises, qui donnent droit à une réduction de 60 % de l’impôt sur les sociétés (IS). Entreprises et riches particuliers bénéficient aussi de la vaste réforme libérale des services publics, qui a donné naissance à des structures nouvelles pouvant accueillir les dons. L’ensemble législatif adopté ces dernières années fait de la France la championne du monde du genre et lui permet d’attirer de plus en plus de capitaux internationaux.

La récente loi dite d’autonomie des universités (LRU) a notamment facilité le versement des dons de personnes privés et des entreprises en ouvrant le droit à d’importantes déductions fiscales (60 % du montant des dons pour les entreprises) et à des exonérations d’impôt sur tout ou partie du patrimoine foncier. La même loi a inventé le statut de « fondations universitaires » et de « fondations partenariales », que peuvent créer les établissements publics à caractère scientifique (certaines universités), culturel (par exemple, des musées), les établissements publics à caractère scientifique et technologique (CNRS, Inra, Inserm, etc.).
À la suite des fondations universitaires, la loi de 2009 réformant l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a autorisé les établissements publics de santé à créer une ou plusieurs « fondations hospitalières » bénéficiant du même régime fiscal que les fondations reconnues d’utilité publique.
Derniers nés de la famille des fondations créées par le gouvernement, les fonds de dotation doivent beaucoup à Christine Lagarde, ministre de l’Économie, qui a mis en pratique sa culture anglo-saxonne. Équivalent français de l’ endowment fund américain, ces fonds sont, eux aussi, qualifiés de révolutionnaires. Ils ont tous les avantages d’une fondation et d’une association sans en avoir les inconvénients, avec de plus un régime fiscal attractif. Ils ont surtout été conçus pour favoriser l’arrivée de fonds privés vers des œuvres d’intérêt général et pour se substituer progressivement à un État qui abandonne ses missions d’intérêt général.

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