Une mégabombe égarée
dans l’hebdo N° 1073 Acheter ce numéro
30 kg de plutonium « oubliés » à Cadarache… C’est peu ? Une énorme affaire, au contraire ! Ce sous-produit des réacteurs nucléaires est apparu « en trop » dans la comptabilité des matières radioactives de cet atelier du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dans les Bouches-du-Rhône, fermé depuis six ans et en cours de démantèlement.
De quoi fabriquer cinq bombes atomiques. Quelques millionièmes de grammes peuvent déclencher un cancer mortel. Ce produit conserve la moitié de sa radioactivité après 24 000 ans… Le 14 octobre, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a exigé l’arrêt du démantèlement de l’atelier, car « la situation présente un risque grave et imminent » . Une cascade de réflexions lourdes s’ensuit :
• Comment expliquer une telle erreur sur une matière prétendument sous très haute surveillance ? Le Réseau sortir du nucléaire suggère un trafic secret de plutonium, datant de 2004, entre les États-Unis et la France.
• Les responsables ont gardé le silence plusieurs mois durant. Quelles turpitudes identiques sont-elles tues dans les autres établissements nucléaires français ?
• L’accumulation d’autant de plutonium peut déclencher une explosion atomique ! La France s’enorgueillit de la sûreté de son nucléaire. Pourtant, l’ASN, qui a contrôlé l’atelier à plusieurs reprises ces dernières années, est ridiculisée. Tout comme le ministre de l’Écologie, qui appelle à « toute la vérité » , comme l’an dernier à la suite des fuites de Tricastin. En 2006, la France a voté une loi sur la transparence du nucléaire : un chiffon de papier.
Faut-il rappeler que la semaine avait démarré par la révélation d’un scandale aussi énorme : des dizaines de kilos de plutonium issus du retraitement de combustible nucléaire français entreposés à ciel ouvert sur le site russe de Tomsk-7 ? Pour en savoir plus, on lira avec attention (et effroi) l’excellente enquête sur les déchets nucléaires, réalisée par notre consœur Laure Noualhat du quotidien Libération [^2] : la bombe de Cadarache est loin d’être la seule à traîner sur les étagères des Folamour du nucléaire…
[^2]: Déchets, le cauchemar du nucléaire, éd. Arte et Seuil. À voir le DVD du documentaire du même nom, réalisé par Éric Guéret, qu’Arte vient de diffuser.
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