C’est quoi, une écologie de droite ?

Jean-Louis Gueydon de Dives  • 5 novembre 2009 abonné·es

On dit que Chantal Jouanno, notre secrétaire d’État à l’Écologie, a eu quelques difficultés à préparer la note de cadrage que lui a commandée Xavier Bertrand pour définir ce que pourrait être une écologie de droite. Ce n’est pourtant pas bien compliqué, elle aurait dû me demander conseil. Il suffit d’appliquer les bonnes vieilles recettes de la droite libérale : croissance des inégalités et croissance des profits. Donc une écologie où tout bien commun et tout être vivant sont considérés comme des marchandises : l’eau, l’air, le vent, les paysages, les animaux, les arbres, etc., et où tout l’environnement est lui-même considéré comme un « service » commercial rendu aux humains, avec valeur sonnante et trébuchante. D’ailleurs, n’est-ce pas notre Président lui-même qui le dit ? « Les Français […] associent fortement l’environnement à la valeur de leur patrimoine, dont ils craignent la dégradation [^2]. »  Que voilà une saine motivation pour protéger l’environnement ! L’écologie de droite est donc naturellement une écologie conduite par la finance et matière à de bien grasses spéculations boursières sur le marché du carbone, en fait juste une autre façon de « créer de la valeur » pour les traders.

C’est une écologie où ceux qui en ont les moyens peuvent acheter des droits à polluer, et où ceux qui ne les ont pas n’ont qu’à subir les pollutions des autres ou à déménager. C’est une écologie au service des riches (les pays du Nord, les urbains), qui se soucie principalement de leur permettre de préserver leur style de vie tout en renvoyant sur les pauvres (les pays du Sud, les territoires ruraux) le stockage ou l’élimination des déchets et la fabrication du carburant de leurs précieuses voitures. Comme le WWF nous l’a si bien montré, c’est une écologie qui s’appuie sur des partenariats juteux avec les entreprises multinationales, lesquelles s’en servent au passage pour faire leur modeste publicité et nous faire comprendre qu’elles ne sont pas la cause des problèmes environnementaux mais la solution.

C’est – of course – une écologie libérale, le moins possible réglementée, où rien n’est imposé aux pollueurs, car on leur fait confiance pour s’autoréguler. C’est donc une écologie faite pour soutenir la croissance économique, dont le but principal est la création d’emplois et les profits des entreprises, car il faut bien « qu’elle donne des motifs d’espérance ».
C’est une écologie qui croit aux solutions techniques – de préférence brevetées – et se méfie du principe de précaution, car on doit prendre des risques si l’on veut trouver des solutions. Alors, pourquoi ne pas balancer de la poudre de fer dans les océans ou piéger le carbone dans des réservoirs souterrains ? On verra à l’usage les effets collatéraux éventuels. C’est une écologie ludique de PDG qui font du trekking, de chasseurs à courre qui « régulent » la nature et de pilotes d’hélicoptères qui se plaisent à photographier les indigènes dans leurs cases. Enfin, comme l’explique si bien Madame Jouanno elle-même, c’est une écologie qui ne crache pas sur le nucléaire, les 4 x 4 et les OGM.
Nul doute qu’une telle conception de l’écologie soit en mesure de régler définitivement les problèmes environnementaux. Peut-être faudrait-il cependant y ajouter, pour faire bonne mesure, un peu d’eugénisme, ou quelque autre solution permettant de diminuer rapidement la population mondiale, surtout celle de ces encombrants pauvres du Sud qui se reproduisent si vite et prétendent consommer les ressources nécessaires aux industries du Nord.

Voilà qui serait réaliste et concret, et nous changerait un peu de ces écolos gauchistes et autres khmers verts, ennuyeux et moralisateurs, qui ne font que diviser la société et monter les Français les uns contre les autres. Car, on l’aura bien compris, cette écologie-là doit être consensuelle. C’est « une écologie de la conjugaison » où il n’y a pas de coupables, une écologie qui rassemble enfin pauvres et riches, chasseurs et écologistes, chimistes et cancéreux, entreprises polluantes et militants associatifs, dans une grande alliance générale.

[^2]: Toutes les citations en italique sont extraites du discours de Nicolas Sarkozy à la convention UMP du 19 octobre 2005.

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