Mûrs-Erigné, commune écolo…

Un maire socialiste qui décide de lancer un plan climat et de convaincre ses administrés d’économiser l’environnement et de passer au bio : pas banal ! Reportage.

Claude-Marie Vadrot  • 5 novembre 2009 abonné·es
Mûrs-Erigné, commune écolo…

Bientôt, une affiche conçue par le maire et l’un de ses adjoints rappellera aux 5 500 habitants de Mûrs-Erigné, commune proche d’Angers, qu’ils vivent dans un espace public où l’emploi de désherbants est interdit. Dans les rues et dans les espaces verts. « De toutes nos initiatives, elle aura été la plus difficile à mettre en œuvre, explique le maire, Philippe Bodard, il aura fallu deux ans pour convaincre mes concitoyens et les services d’entretien qu’il était impératif de renoncer au Roundup. Car ce produit, comme les autres, se retrouve dans les fossés, les nappes phréatiques, notre rivière et la Loire, qui borde la commune. Depuis peu, nous avons même renoncé à ce traitement dans les cimetières. Dans le journal municipal, nous avons expliqué nos raisons. En suggérant à ceux qui ont des jardins d’en faire autant. Ma récompense, ce fut il y a deux ans, lors de la cérémonie du 11 Novembre, quand le président des Anciens Combattants m’a confié qu’il avait essayé et que ses légumes étaient aussi gros et meilleurs. »

L’idée du maire pour mener sa « révolution culturelle » de l’environnement : il ne faut rien imposer. Juste expliquer, démontrer « sans oublier qu’il faut à la fois faire vite et faire attention ; il faut multiplier les gestes économisant l’argent et le milieu naturel. Ce n’est jamais terminé, et c’est cela qui me passionne. Intellectuellement, nous vivons une époque passionnante qui permet d’utiliser ce qu’offre l’évolution technologique. Sans jamais oublier que l’individualisme tue l’individu et que les économies d’énergie sont des économies d’argent ». Sur ce principe, il a décidé d’éteindre les lampadaires des rues une partie de la nuit sans, semble-t-il, provoquer l’ire des habitants. Quand on lui demande s’il n’est pas difficile de changer les habitudes d’une population dont on connaît chaque membre, il assure que c’est au contraire plus simple que dans une grande ville.

Le maire reconnaît que ses choix ne sont pas toujours évidents à expliquer. À ses concitoyens, mais aussi aux autres communes qu’il fréquente régulièrement puisqu’il est conseiller régional et vice-président de l’agglomération d’Angers. Surtout quand il décide d’infléchir la règle d’attribution des HLM. Son principe : aux conditions de revenus s’ajoute la proximité entre le lieu de travail et le lieu de résidence. Priorité à qui travaille sur la commune. Sa plus belle récompense fut la confidence d’une femme, dont le foyer s’était vu attribuer un logement et qui a ainsi pu supprimer ses allées et venues vers Angers : « Maintenant, monsieur le maire, on mange mieux à la maison. » Commentaire du maire : « Il faut privilégier la proximité du lieu de travail car cela permet à la fois de dégager du temps libre et du pouvoir d’achat. »

Un autre effort de ce maire, parfois considéré comme un rêveur par ses camarades du PS, porte sur la cantine des écoles. Les aliments bios représentent déjà 20 % du contenu des repas, et le pourcentage va rapidement augmenter. Avec, déjà, une proscription du poulet de batterie. En prime : l’achat de tables rondes réduisant le bruit des conversations et l’installation d’une cuisine centrale en régie communale. Celle-ci a ­permis des embauches et intéresse tellement une grande commune voisine que ses installations vont servir à préparer des repas pour d’autres écoles. Pour sécuriser l’approvisionnement, le maire accueille un groupement des agriculteurs bios de la région et la Confédération paysanne. Et également une boutique Biocoop. De plus, il vient d’acheter trois hectares de terrain, de l’AOC coteau de l’Aubance à planter en vignes. La commune sera propriétaire, et la production gérée par un vigneron, à condition qu’il cultive en bio. Devant son terrain encore envahi par les ronces et les broussailles, le maire pense déjà à sa première fête des vendanges. Juste à côté du restaurant qui surplombe la rivière Aubance.

Le rêve du maire : installer des maraîchers bios sur une part des 700 hectares inondables de son territoire, qui en compte 1789. Pour approvisionner la commune et les environs, et conserver un « poumon vert ». Même démarche pour la prochaine mise en place d’un verger communal, qui participera à la capture du carbone et permettra d’organiser plus de lien social. Même objectif pour la plantation de 500 frênes par an, qui fourniront du bois de chauffage.
Le maire évoque avec fierté toutes ses idées, qu’il est impossible ­d’énumérer toutes tant elles foisonnent, qu’elles soient réalisées ou à venir. Sans oublier les HLM en construction, en bois et à un étage, qui permettront aux locataires de limiter les charges de chauffage. Grâce à l’isolation et aux chauffe-eau solaires. Pour faire connaître les réalisations, il a lancé un festival du film nature qui attire de plus en plus de monde… et de journalistes. Ce socialiste, qui se demandait après les européennes si « ne pas faire valider le traité de Lisbonne par les peuples des 27 pays, et particulièrement pour ceux qui avaient dit une fois “non”, a[vait] pu avoir une influence sur les élections » , ne compte pas faire carrière comme maire. Réinstallé en 2008 à la tête de la commune, qu’il dirige depuis 1995, par 52 % des voix, il estime qu’on n’est pas élu pour noircir sa carte de visite, il songe déjà à sa reconversion. Dans l’aménagement (écologique) du territoire. Au niveau national, il voudrait que toutes les communes aient le droit de préempter des terrains pour installer des cultures biologiques et rêve d’Amap pour alimenter les collectivités, car « le système des Amap est porteur d’espoir » . Et il sera à Copenhague.

Écologie
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