Menus plaisirs

Deux critiques gastronomiques nous emmènent à la rencontre de vingt et une grandes toques et à la découverte de leurs secrets.

Denis Sieffert  • 24 décembre 2009 abonné·es

0n peut aborder ce livre de deux façons. Avec l’indifférence résignée de celui qui se dit : « Ces choses-là, décidément, ne sont pas pour moi. » Le velours de foie gras aux écorces de yuzu, de Michel Troisgros et Lionel Beccat, ou les sushis d’huîtres au caviar d’Aquitaine, des frères Raimbault, par les temps qui courent, non. Trop compliqué. Trop cher. Pas forcément, d’ailleurs… Mais, quoi qu’il en soit, on peut aussi adopter le point de vue de l’esthète. Il n’est pas interdit d’aller voir un Cézanne dans un musée sans nécessairement espérer s’offrir le tableau. On peut s’interroger sur la personnalité de l’artiste, sa technique, ses influences. Les portraits brossés de vingt et une des plus grandes toques actuelles, par Louise Gouaux et Jean-Claude Renard (dont les lecteurs de Politis apprécient chaque semaine la plume alerte), combleront au moins cet appétit-là.

Oui, mais le plaisir des yeux et les raffinements de l’esprit, en cette matière, cela laisse quand même un peu sur sa faim. Eh bien, rassurez-vous, il y en a pour tout le monde dans ce marché parfumé et bigarré où nous emmènent nos deux critiques gastronomiques. Quelques cartes affriolantes, mais aussi des recettes toutes simples. « Pourquoi dites-vous que Point est un génie ? » , demandait jadis un journaliste au jeune Bocuse. « Parce que Point a découvert qu’il fallait faire cuire le blanc d’un côté et le jaune de l’autre. » Et pourtant, ça ne fait rien d’autre qu’un œuf au plat. Mais quel œuf au plat ! Chaque portrait d’artiste est ici suivi d’une de ses recettes simples. Le bar cuit doucement aux huiles de printemps par Olivier Roellinger, la tarte au chocolat de Christian Constant, la glace à la bière Kriek, trouvaille de Ghislaine Arabian, ou le simplissime minestrone de citron de Valère Diochet, et tant d’autres, sont réalisables « à la maison ». Nous ne sommes pas dans le luxe, mais dans l’invention et le tournemain. Il n’est pas interdit de s’y essayer. Ce beau livre est, à sa façon, un multimédia. Il nous raconte des histoires de jeunes gens venus de leur terroir, et de la créativité du peuple. C’est aussi un jeu pour arpète du dimanche. Un beau cadeau, en somme.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes