Politique du pire

Denis Sieffert  • 3 décembre 2009 abonné·es

Une fois de plus, Charles Enderlin nous fait profiter de sa riche expérience de témoin privilégié du conflit israélo-arabe, puis israélo-palestinien. Après le récit de grandes séquences historiques qui couvrent près d’un siècle de conflit – son premier opus, Paix ou guerres (Stock 1997), partait de 1917 –, il a choisi un « angle » particulier pour cette nouvelle somme : le rapport entretenu par Israël avec l’islam radical et, singulièrement, le Hamas. La thèse, cent fois démontrée dans ce livre, est accablante pour Israël. On peut la résumer ainsi : les dirigeants israéliens ont presque tous décidé, depuis une vingtaine d’années, de favoriser la montée du Hamas aux dépens des mouvements nationalistes palestiniens, et en premier lieu du Fatah, de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas. L’homme de cette stratégie a surtout été Ariel Sharon. En suivant ce fil conducteur, Enderlin revisite tous les événements de ces dernières années : la transformation de l’aile palestinienne des Frères musulmans en mouvement de lutte armée ; l’étrange façon de combattre le terrorisme en frappant systématiquement ceux qui, parmi les Palestiniens, ont fait le pari de la négociation ; l’épisode du retrait unilatéral de Gaza, en 2005 ; et celui des élections palestiniennes de janvier 2006. Enderlin donne une cohérence à ces séquences.

Une cohérence paradoxale puisque, chaque fois, la droite israélienne – mais un Ehoud Barak (dirigeant travailliste) n’est pas non plus en reste – a fait ce qu’il fallait pour renforcer son ennemi le plus irascible. À demi-mot, l’auteur fait reproche à cette stratégie d’avoir affaibli politiquement le camp des nationalistes palestiniens. Comme toujours, c’est avec un foisonnement de documents et de témoignages que le correspondant de France 2 alimente son analyse. Au terme d’une lecture passionnante, le doute n’est plus permis : cette façon de renforcer les islamistes n’est pas le fruit d’une erreur qui se répéterait à l’infini. On peut ne pas partager toute l’analyse d’Enderlin, notamment à propos du Hamas (il ne croit pas à une évolution du mouvement islamiste), on n’en appréciera pas moins la profusion de ses informations.

Publié dans le dossier
Copenhague, génération climat
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